Systèmes - La globalisation, le droit et l'État - 3e - 25

Le droit investi par la globalisation

Il y a bien des acteurs spécifiques de la globalisation. Ce sont, d'abord,
celles des institutions internationales, qu'elles soient régionales ou mondiales, qui sont promotrices ou régulatrices des ouvertures économiques,
sociales, idéologiques qui la constituent : une grande part des organisations
internationales se trouve ici concernée, mais spécialement celles qui sont
en charge des échanges économiques mondiaux, ou de la protection internationale des droits fondamentaux. Ce sont ensuite les opérateurs économiques et/ou culturels mondiaux, parmi lesquels les entreprises multinationales. Ce sont enfin les nombreuses organisations non gouvernementales,
dont celles qui sont gardiennes des droits fondamentaux ou de l'environnement, et qui ne sont pas toujours de puissance lilliputienne à côté des
acteurs précédents : Greenpeace, par exemple, possède aujourd'hui une
quarantaine de bureaux établis dans une trentaine de pays, et son budget
annuel s'élève à 342 millions d'euros.
On aura l'occasion de revenir sur la place importante qu'occupent
aujourd'hui certains acteurs privés à la fois dans la vie économique et
sociale du monde, mais aussi dans la conduite des affaires publiques dans
le monde d'aujourd'hui.
Cela dit, la nature profonde la globalisation réside aussi, et peut-être
surtout, dans les processus (sociaux, économiques, etc.) dont elle est porteuse, et qui sont d'une grande originalité au regard de ce à quoi nos civilisations nous avaient habitués.
Le plus frappant à cet égard est ce qui tient à la déspatialisation, à la
déterritorialisation des activités et des mécanismes économiques et
sociaux25. Ce qui est en cause est une recomposition des territoires, sur
fond de déspatialisation de certaines activités. Ainsi que l'indique Jarrod
Wiener26, la technologie de l'Internet donne à une personne située sur le
territoire d'un État A la possibilité de commettre une infraction dans un
État B, sans se trouver réellement sur le territoire de cet État B. Par exemple, une personne située dans l'État A peut s'introduire dans le système
informatique d'une banque située dans l'État B, et détourner de l'argent
vers un compte situé dans un État C. Certaines réalités sociales traditionnellement fortement ancrées territorialement connaissent la même forme
de déspatialisation : comme l'explique Olivier Roy, alors que, traditionnellement, les religions sont connectées à des cultures, voire à l'origine de cultures locales, elles tendent aujourd'hui à se détacher de leurs territoires et de
leurs cultures d'origine27.
Le deuxième processus caractéristique de la globalisation est un processus de désétatisation des sociétés et du monde. Ce phénomène, il est
vrai, a d'autres sources que la globalisation : il procède également
25. Bertrand BADIE, La fin des territoires, Fayard, 1995 ; Un monde sans souveraineté, Fayard,
1999.
26. Globalization and the Harmonization of Law, London and New York, Pinter, 1999. V. préface.
27. L'islam mondialisé, Le Seuil, 2002.

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