Systèmes - La globalisation, le droit et l'État - 3e - 64

La globalisation, le droit et l'État

introduire des germes juridiques différents, qui sont d'ailleurs parfois très
perturbateurs.
c) Elle est remarquable en troisième lieu dans ce qu'elle fait apparaître
de déclin de la maîtrise juridique des États sur une question qui était pourtant naturellement de leur pleine compétence. En acceptant que des institutions internationales produisent des règles applicables à leurs contrats
publics, en acceptant que des juges autres que les leurs se prononcent sur
des contentieux relatifs à leurs contrats publics, les États consentent à ce
que la sécrétion du droit de ces contrats leur échappe pour une part.
Cette perte de contrôle des États sur la production du droit concernant
leurs contrats publics s'accompagne d'ailleurs, de façon corollaire, d'une
mise en cause de leurs privilèges traditionnels dans ces contrats.
Notamment, lorsque les contrats publics se trouvent soumis à l'arbitrage international, on constate que les arbitres sont souvent réticents à
admettre qu'ils seraient soumis à des règles spéciales, ménageant à la collectivité publique des prérogatives régaliennes, comme celle de modification
unilatérale54. C'est ce qui a été observé, par exemple, dans la procédure
d'arbitrage concernant l'utilisation du Tunnel sous la Manche55.
L'internationalisation tend à éroder ce qui, dans le contrat public, tire du
côté de l'inégalité des parties. Cela est confirmé dans l'évolution du droit
international des contrats d'État, au sein duquel a été progressivement
admise la validité des clauses dites de « stabilisation », ou d'« intangibilité »,
par lesquelles l'État contractant s'engage, par exemple, à ne pas nationaliser les biens de son cocontractant, ou à ne pas aggraver sa fiscalité, ou plus
généralement à ne pas rendre, par sa législation, la mise en œuvre du
contrat plus onéreuse pour son cocontractant56.
d) On observera en quatrième lieu que le matériau juridique international qui vient influencer le droit des contrats publics internationaux n'est pas
constitué que de règles juridiques véritablement opposables. Il est aussi fait
de standards, de règles de conduite, de « guidances », pour employer une
expression anglaise, de modèles proposés aux acteurs concernés.
Les guides de procédure de la Banque mondiale ne sont contenus dans
aucun acte juridique obligatoire. De même que le modèle établi par la Commission des Nations unies pour le Droit Commercial International (CNUDCI)
pour la commande publique en matière de biens, de construction et de
services57, n'est qu'un modèle.
54. V. Gérard VAN HARTEN, Investment Treaty Arbitration and Public Law, Oxford University Press,
2007.
55. Gérard MARCOU, « La sentence arbitrale relative à la convention d'utilisation du tunnel
sous la Manche par la SNCF et British Rail », Annuaire français de Droit international, 1997,
p. 810.
56. Pierre MAYER, La neutralisation du pouvoir normatif de l'État en matière de contrats d'État,
Clunet, 1986, p. 5 - Dominique CARREAU, Droit international, précité, p. 179.
57. Robert R. HUNJA, in Sue ARROWSMITH and Arwel DAVIES (eds.), Public Procurement, Global
Revolution, précité, p. 97.

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