Contextes - Penser la technique juridique - 207

FrÉDÉrIC rOuVIère

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Ce faisant, la qualification permet de décrire des cas, des situations ou d'exposer des objets plus théoriques comme les concepts eux-mêmes.
Dans cette voie, on peut pousser toujours plus loin l'opération de
qualification en augmentant sans cesse le degré de généralité. Ainsi, le vol
est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui. Le concept de vol est
catégorisé comme une infraction. Mais qu'est-ce qu'une infraction ? C'est
un comportement interdit par la loi pénale. Ainsi, il faut expliquer encore
ce qu'est la loi et plus spécialement ce qu'est une loi pénale. en dernière
instance, le juriste devra fonder ses définitions sur une conceptualisation de
la loi et du domaine pénal. Parvenu à un tel degré de généralité, le raisonnement présente de sérieuses difficultés. Il suppose de disposer de critères
qui délimitent le domaine du droit pénal. Le fait de dessiner les contours
pratiques et théoriques du droit pénal suppose de disposer de qualifications
hautement générales et strictement conceptuelles. À un tel stade, il est légitime de parler de théorie juridique. La théorie juridique est la poursuite de
l'opération de qualification en subsumant des concepts présentant un degré
élevé de généralité sous des concepts encore plus généraux.
en tant qu'agrégation de concepts, la technique juridique a non seulement une fonction de qualification mais encore d'exposition. en effet, l'objet
des théories juridiques est au plus haut niveau de généralité d'exposer l'ensemble des solutions applicables dans une matière donnée. Pour présenter
l'intégralité des cas et la façon dont ils sont qualifiés, il faut disposer d'une
théorie de l'infraction décomposée en un élément matériel (les faits), moral
(l'intention) et légal (prévu par une loi valable). Le droit pénal pourra alors
être classé, décrit et ordonné à partir des concepts les plus généraux.
Cette opération est tellement naturelle pour le juriste qu'elle passe souvent
pour une évidence. Pourtant, cette exposition repose sur des qualifications
patiemment élaborées qui organisent le droit sous des formes arborescentes.
L'exposition du droit positif mérite d'être appelée comme telle car elle n'est
pas une simple redite du contenu des lois et des décisions de justice. S'il
s'agissait de cela, de simples compilateurs pourraient ranger et classer les
textes juridiques avec le même soin qu'on classe et range les numéros de
téléphone de toutes les personnes qui habitent la France ou un département.
Au contraire, en s'élevant dans la généralité, l'opération d'exposition unifie
les solutions et thématise des ensembles complets du droit.
10. Exposer, analyser, connaître. - Posséder des concepts très généraux
est décisif. La compression de l'information dans un concept permet de
connaître virtuellement toutes les solutions applicables qui dépendent de
lui. une économie cognitive décisive est réalisée car elle permet de connaître
le droit sans pourtant connaître individuellement toutes ses applications
singulières.

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