Contextes - Penser la technique juridique - 219

FrÉDÉrIC rOuVIère

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fixent précisément les inférences possibles et donc les jugements possibles.
Le juriste qui s'est trompé aura tout simplement mal jugé. Le non-respect
des concepts permet d'évaluer l'écart entre ce qui aurait dû être au regard
des concepts et ce qui a effectivement été. La construction du jugement
conceptuel obéit ainsi à la fois à des règles logiques de cohérence et de
simplicité mais encore à l'inscription dans un champ de validité qui fixe les
occurrences de fait (les cas et solutions) dont les concepts doivent rendre
raison, ce qui signifie en définitive à la fois interpréter, qualifier, exposer et
justifier par l'argumentation.
L'opération inférentielle de synthèse est encore manifeste dans l'usage
des concepts. Les concepts jouent un rôle important d'unification de la
diversité des cas ou des éléments théoriques. L'opération de synthèse permet
de condenser de nombreux concepts sous des concepts encore plus généraux qui permettent d'exposer le droit applicable en commençant par les
distinctions les plus fondamentales. C'est ainsi que tout le droit du contrat
peut être appréhendé par la distinction entre sa formation et son exécution c'est-à-dire entre sa validité et ses effets. La synthèse opère donc une
simplification dans la manipulation d'une grande variété d'informations
pouvant potentiellement constituer des arguments. Ainsi, tout raisonnement
sur la formation du contrat exclut nécessairement un argument tiré de son
exécution. Les deux séries de raisonnement sont forcément indépendantes
l'une de l'autre. en principe, le contrat ne peut pas être mal exécuté parce
qu'il est mal formé et vice versa.
en définitive, le jugement et la synthèse sont une opération de définition. Dire que le paiement est un acte juridique, que la servitude est un
droit réel, que le contrat est un acte juridique revient à exposer la définition d'un concept en établissant par un jugement synthétique le lien qui
l'unit à un autre concept. L'agrégation de concepts non exprimés formellement participe du raisonnement juridique qui vise à expliciter la définition
conceptuelle. Juger revient à synthétiser et synthétiser revient à définir. La
boucle est en quelque sorte bouclée puisque les définitions permettent de
qualifier et d'exposer, leur sens constituant par ailleurs le résultat de l'opération d'interprétation.
17. Questionner, problématiser. - La question peut sembler être
un point de détail dans le raisonnement, une étape seulement provisoire
surmontée par la découverte d'une réponse. Dans le domaine juridique,
Christian Atias s'est employé à montrer que la question est le cœur même
du savoir juridique12. Cette proposition passe de prime abord pour énig12. C. Atias, Questions et réponses en droit, PuF, L'interrogation philosophique,
2009. Pour une synthèse, v. C. Atias, « L'introuvable question de droit », RTD civ. 2010,
p. 243-260.

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