Contextes - Penser la technique juridique - 220

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LA teChNIque JurIDIque

matique car comment penser un savoir qui questionne et ne répond pas,
bref comment penser un savoir qui semble ne pas savoir ?
Le paradoxe est pourtant purement apparent. en effet, la question est
l'opération qui regroupe toutes les opérations précédemment citées et les
sublime. en effet, sans concept, il est impossible de questionner. Morris
Weitz a très finement montré que si les dialogues de Platon sont remplis
de questions c'est que Socrate possède un concept des choses mais non
leur idée, c'est-à-dire la connaissance de leur ultime réalité13. Le concept
est ainsi la condition de possibilité de tout questionnement. Je ne peux me
demander « ceci est-il un contrat ? » si je ne possède pas un concept minimal
de contrat. Le questionnement par les concepts est donc plus subtil qu'il n'y
paraît à première vue car il se double d'un questionnement sur les concepts.
questionner par les concepts n'est pas autre chose que poser la question
de la qualification des objets en débat, bref de s'enquérir de leur définition.
en ce sens, le juriste se demande s'il a affaire à un contrat de vente ou de
bail, à un meurtre ou un empoisonnement. Lorsque la qualification porte
sur des cas-limites (révélés par les définitions) surgit le problème juridique.
Le problème juridique est ainsi une difficulté qui nécessite cette fois une
interrogation sur les concepts. Le concept se prend alors lui-même pour
objet et l'interprète doit déterminer pourquoi le problème ne se résout
pas par simple subsomption. Ainsi, dire que le contrat est un accord de
volontés est insuffisant. une invitation à dîner qui est acceptée est aussi un
accord de volontés, une société qui propose à une autre qui l'accepte de faire
« tout son possible » si elle rencontre des difficultés financières est encore
un accord de volontés. Mais ces accords sont-ils juridiquement des obligations conventionnelles ayant un caractère obligatoire pour les parties ? Pour
marquer la différence, il a fallu préciser que le contrat s'entend de la volonté
de produire des effets de droit, bref d'être engagé. L'invitation à dîner ne
relève pas alors de cette catégorie de façon évidente. Le soutien que propose
une société à une autre est plus difficile à interpréter : a-t-elle voulu s'engager ? Ce court exemple montre plusieurs choses importantes. D'abord,
par le questionnement, le concept se perfectionne et s'affine en s'appliquant
à des cas de plus en plus variés. Bref, le concept peut s'enrichir d'un élément
constitutif supplémentaire qui est aussi un critère supplémentaire. Chaque
critère appelle à son tour une question qui conduit à investiguer les faits
pour savoir si le cas relève ou non du champ d'application du concept. Le
questionnement conduit ainsi insensiblement à la qualification qui repose
elle-même sur la définition la plus complète possible du concept. La qualification opère en même temps description et interprétation des situations
13. M. Weitz, Theories of concept. A history of the major philosophical tradition, London,
routledge, 1988, p. 5-6.

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