Grands Colloques - Le fichier - 119

De L'USAGe DeS FIChIerS DANS Le ProCèS PÉNAL

111

B. Un usage détourné
Les données contenues dans le FAeD et le FNAeG ne peuvent, et c'est
heureux, être utilisées qu'aux fins d'élucidation d'une infraction, dans le
cadre qu'une procédure pénale conduite sous l'autorité d'un magistrat.
Les très nombreuses informations contenues dans le TAJ peuvent en
revanche donner lieu à bien d'autres usages. S'il ne s'agit pas d'éléments
aussi sensibles que l'empreinte digitale et, à plus forte raison, l'empreinte
génétique d'une personne, leur transmission en dehors du cadre pénal est
pourtant loin d'être sans conséquences.
À cet égard, on ne peut qu'être frappé par l'inconséquence avec laquelle
le législateur a permis à l'autorité préfectorale de consulter ce fichier à
l'occasion des nombreuses enquêtes administratives qu'elle est conduite
à diligenter pour décider d'un agrément, d'un avis ou encore d'un refus
d'inscription à un concours administratif23 - quand l'enquête ne se résume
toute simplement pas à cette consultation. Car de deux choses l'une : soit la
personne a été condamnée, et auquel cas la production de son casier judiciaire suffit à juger de son éventuelle incapacité légale à occuper l'emploi
sollicité. Soit elle ne l'a pas été, et alors aucune décision ne devrait, en vertu
du principe constitutionnel de présomption d'innocence, pouvoir être prise
à son encontre sur la seule base d'une inscription au TAJ. C'est pourtant ce
qui se pratique couramment, soumettant à l'arbitraire du préfet toutes les
personnes n'ayant pas les ressources pour contester cette décision devant
le tribunal administratif.
Certes, toutes les infractions ayant donné lieu à une décision de classement sans suite du procureur de la république ou de non-lieu du juge
d'instruction doivent en principe faire l'objet d'une « mention », qui interdit
la consultation de la fiche dans le cadre d'une enquête administrative24.
Mais les délais excessivement longs qui peuvent s'écouler entre la constatation de l'infraction et la décision judiciaire et, plus encore, entre cette
décision et l'information du gestionnaire du fichier, conduisent en pratique
à exposer un grand nombre de personnes à des décisions administratives
défavorables. en outre, les infractions donnant lieu à une mesure alternative
aux poursuites25 demeurent quant à elles inscrites au TAJ. or de telles
mesures sont prises sans débat contradictoire ni aucun recours offert à la
personne qui contesterait son implication. Ainsi, même en l'absence de
23. CSI, art. 114-1, r. 114-2 à r. 114-5.
24. CPP, art. 230-8.
25. C'est-à-dire, en application de l'article 41-1 du Code de procédure pénale, un rappel
à la loi, l'orientation vers une prise en charge sanitaire ou sociale, l'exécution d'un stage,
une médiation ou un classement sous condition d'indemniser la victime ou de régulariser
la situation.

Grands Colloques - Le fichier

Table des matières de la publication Grands Colloques - Le fichier