Grands Colloques - Le fichier - 125

rÉFLeXIoNS SUr LA NATUre eT LeS FoNCTIoNS DU FIChIer 117

B. Fichier et mesure de sûreté
Surveiller, est-ce prévenir ? La référence à la prévention des infractions
renvoie à la notion de mesure de sûreté qui traduit un changement de philosophie par rapport à la peine au sens strict. Classiquement, les mesures de
sûreté sont des « mesures individuelles coercitives, sans coloration morale,
imposées à des individus dangereux pour l'ordre social, afin de prévenir les
infractions que leur état rend probables » 14. Il ne s'agit pas de punir une
infraction passée mais de prévenir le risque de commission d'une nouvelle
infraction.
Cette finalité préventive est, par exemple, clairement exprimée par la
loi sur le renseignement, à propos du terrorisme, qui fait de la prévention
des infractions l'un des objectifs justifiant le recours aux techniques de
renseignement dont le fichage fait partie15. Par ailleurs, certains fichiers
sont aujourd'hui expressément rattachés à la catégorie des mesures de
sûreté. Il s'agit des fichiers judiciaires qui constituent un cas à part en
raison du moment auquel l'inscription sur le fichier intervient. en effet,
ils se distinguent des fichiers de police au sens strict qui interviennent
principalement au stade de l'enquête16. Les fichiers judiciaires ont pour
objectif de recenser certaines décisions judiciaires et principalement les
condamnations pour certaines infractions jugées particulièrement graves
afin de prévenir la récidive. Le cas du fichier judiciaire national automatisé
des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) est particulièrement significatif17.

14. Bouloc B., Droit pénal général, 24e éd., Dalloz, coll. Précis, 2015, n° 513.
15. Loi n° 2015-912 du 24 juill. 2015 relative au renseignement, v. l'article L. 811-3 du Code
de la sécurité intérieure : « Pour le seul exercice de leurs missions respectives, les services
spécialisés de renseignement peuvent recourir aux techniques mentionnées au titre V du
présent livre pour le recueil des renseignements relatifs à la défense et à la promotion des
intérêts fondamentaux de la Nation suivants : (...)
4° La prévention du terrorisme ;
5° La prévention a) Des atteintes à la forme républicaine des institutions ; b) Des actions
tendant au maintien ou à la reconstitution de groupements dissous en application de l'article L. 212-1 ; c) Des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix
publique ;
6° La prévention de la criminalité et de la délinquance organisées (...) ».
16. en ce sens, le Code de procédure pénale traite de ces fichiers à deux endroits distincts :
il y a les fichiers de police judiciaire aux articles 230-6 et s. et le FIJAIS et le FNAeG aux
articles 706-53-1 et s. Sur cette distinction, v. marot P.-Y., « Fonctions et mutations des
fichiers de police (surveiller, enquêter et punir) », AJ pénal 2007, p. 61 et s.
17. La question de la nature juridique devrait se poser en termes identiques pour le nouveau
« fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes », récemment
créé par la loi sur le renseignement du 24 juill. 2015, CPP, art. 706-25-3 et s.

Grands Colloques - Le fichier

Table des matières de la publication Grands Colloques - Le fichier