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FICher, C'eST eNCore ADMINISTrer

Cette exclusion ne saurait emporter la conviction : dès l'instant où l'on
range parmi les instruments l'ensemble des « dispositifs techniques embarqués dans les politiques publiques » et qui, comportant une dimension à
la fois cognitive, sociale et matérielle, constituent un « passage obligé pour
l'action publique », les fichiers constituent bel et bien de tels instruments ;
non seulement leur médiation est nécessaire pour que l'action publique
puisse se déployer, mais encore, porteurs de représentations et de significations, ils produisent, du seul fait de leur existence, un ensemble d'effets,
tant sur l'administration que sur la société.
entendus au sens large comme englobant les divers systèmes ayant pour
objet de rassembler et classer de manière ordonnée et systématique un
ensemble de données, nominatives ou non, les fichiers sont nés avec l'apparition de l'État moderne et apparaissent inhérents à son essence2 : l'État
est en effet tenu de disposer d'outils lui permettant de connaître l'état de la
société pour agir sur elle à bon escient ; il ne saurait se passer de ce moyen
de collecte et de traitement rationnel de l'information que constituent les
fichiers.
2° L'instrument n'est sans doute pas resté identique à lui-même : il a
connu une sensible évolution, indissociable tout à la fois des mutations de
l'État et du perfectionnement des techniques.
L'affirmation du pouvoir royal s'est traduite à partir du xve siècle par la
construction d'un véritable « savoir d'État »3, via la création de registres et
de cadastres permettant l'identification des personnes et le recensement des
ressources du royaume : chargé de veiller au bon ordre et au bien-être du
pays, dans le cadre de la fonction de « police » qui lui incombe, l'État s'est
doté des moyens de connaissance nécessaires pour l'exercer4 ; le mouvement sera poursuivi après la révolution et au cours du xixe siècle, comme
le montre l'essor des fichiers de police.
La fin du xixe siècle constituera une première rupture. D'une part, l'engagement plus actif de l'État dans la vie sociale, qui se traduit par l'extension
du champ de ses interventions et de la sphère d'activités qu'il prend en
charge (postes, éducation, protection sociale...), entraîne un besoin de
connaissance plus approfondi de la réalité sociale et de rationalisation de
2. Pour Nicolas ochoa (Le droit des données personnelles. Une police administrative
spéciale, thèse droit public, Paris 1, 2014, p. 91 et s.), ils seraient « consubstantiels au phénomène étatique ».
3. denis V., « histoire de l'encartement. De l'Ancien régime à l'empire », in crettiez X.,
Piazza P. (dir.), Du papier à la biométrie. Identifier les individus, Presses de Sciences Po,
2006, p. 43.
4. Les « codes de police », rédigés par des juristes et des praticiens, relèvent de la même
perspective de construction d'un savoir d'État visant à assurer la bonne gestion des affaires
publiques.

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