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enfin, l'informatisation a rendu possible la mise en relation et le croisement des masses de données personnelles recueillies à partir de divers
supports et en fonction de logiques différentes : après l'ordonnance du
8 décembre 2005, qui a prévu la possibilité d'échanges électroniques entre
administrations, l'article 16 A introduit en 2011 dans la loi du 12 avril 2000
indique que « les autorités administratives échangent entre elles toutes
informations ou données strictement nécessaires pour traiter les demandes
présentées par un usager »26. Les administrations sont tentées de plus en
plus souvent d'effectuer des croisements de données en vue de lutter contre
la fraude, notamment en matière fiscale ou dans le domaine social : un
système de contrôles ciblés a ainsi été mis en place par les caisses d'allocations familiales, à partir de la récupération de données en provenance
d'autres organismes ; un amendement, en fin de compte retiré, au projet de
la loi sur le dialogue social poursuivait le même objectif, en donnant aux
agents de Pôle emploi la possibilité d'accéder aux données de chômeurs
suspectés de fraude27.
Dès lors, la frontière apparaît étroite entre la préoccupation de lutte
contre la fraude et la logique de surveillance, comme le montre le fichier
AGDreF (« Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France ») : non seulement le fichier est appelé à remplir plusieurs
fonctions, mais encore la possibilité de « mettre en relation » ce traitement
avec d'autres traitements concernant les ressortissants étrangers est expressément prévue ; et ont accès à tout ou partie des informations contenues
dans le fichier, outre les agents chargés de la gestion des dossiers des étrangers, un nombre considérable de services et organismes.
S'il répond à un souci d'efficacité, de rationalisation des tâches administratives et de réduction des coûts28, le recours massif aux fichiers n'est
pas sans incidence sur la relation administrative : contredisant le souci de
personnalisation de la relation par ailleurs exprimé, « la quête de performance se traduit par la recherche de formes de standardisation et de
rationalisation de la prestation offerte »29. Par ailleurs, alors que la prolifération des fichiers aboutit à découper l'identité personnelle en fonction
26. L'article 1 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une république numérique
a prévu que « les administrations (...) sont tenues de communiquer (...) les documents
administratifs qu'elles détiennent aux autres administrations (...) pour l'accomplissement
de leurs missions de service public ».
27. Pour le Conseil constitutionnel (13 mars 2003), la constitutionnalité d'une interconnexion est subordonnée à la triple exigence de « nécessité, adaptation et proportionnalité »
(en ce sens ochoa N., thèse préc., p. 110 et s.)
28. marzouKi M., « Fichiers : logique sécuritaire, politique du chiffre ou impératif gestionnaire ? » Mouvements 2010, n° 62, p. 85.
29. jeannot G., Les usagers du service public, PUF, coll. Que sais-je, n° 3359, 1998, p. 17.
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