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indistincte et interchangeable d'individus aux apparences identiques et
secrètes. D'ailleurs, constate Bertillon, « il n'y a pas de pègre de seize ans
qui ne sache à propos changer de nom » et « on ne pourrait compter les
garnis des faubourgs de Paris où la vente des pièces d'identité se fait ouvertement »15. De sorte que si l'on souhaite enrayer la reproduction du crime,
il convient avant toute chose d'identifier les suspects, de reconnaître ceux
qui ont déjà eu affaire avec les services de police et de repérer dans la masse
mouvante les profils les plus dangereux et les plus perturbateurs. Prouver
rigoureusement l'identité d'une personne va ainsi prendre les voies d'une
méthode scientifique auparavant utilisée en anthropologie.
Il s'agira ainsi, à partir de 1882, de faire du corps et de sa connaissance
approfondie par la police la preuve absolue de l'identité véritable des individus. Partant du fait qu'à compter de la 20e année le squelette humain a
atteint sa taille définitive, qu'il est impossible d'en trouver deux semblables
et qu'il est assez simple de le mesurer, Bertillon va s'attacher à mesurer systématiquement et minutieusement la taille, l'envergure, le buste, la longueur de
la tête, la largeur de la tête, l'oreille droite, le pied gauche, le médius gauche
et la coudée gauche des détenus des prisons de la Seine et notamment de
ceux enfermés au dépôt du tribunal. Dans le but de faciliter l'application
de la loi de 1863 sur la répression des flagrants délits (sorte de comparution
immédiate avant la lettre) et celle de 1885 sur la répression de la récidive
(aggravation des pénalités pour les récidivistes), Bertillon et le service
d'identification judiciaire procèdent à la constitution d'une vaste archive
des identités des criminels parisiens qui, à la fois, recense leur signature
biologique intangible et les classe suivant une logique rigoureuse et efficace.
La force du principe mis en œuvre par Bertillon est de suivre la trame des
signes corporels pour remonter jusqu'à l'identité de la personne arrêtée afin
par la suite de la confronter aux données de son passé pénal contenues dans
le casier judiciaire. Dans la mesure où le nom donné par la personne arrêtée
est suspecté d'être un faux, Bertillon part des seules données dont l'intangibilité est assurée pour confondre l'identité du criminel. « L'anthropométrie,
comme le précise Bertillon, procure le nom étant donné l'individu »16. Le
point de départ de cette méthode d'identification par la négation n'est
pas le nom mais la comparaison des mesures corporelles avec celles déjà
contenues dans le répertoire.
Ainsi, par élimination, on recherche si la personne arrêtée qui se dit sans
antécédents judiciaires n'a pas été classée auparavant sous un autre nom. on
compare alors une à une ses mensurations corporelles avec celles contenues
15. Bertillon A., « L'identité des récidivistes et la loi de relégation » in Annales de démographie internationale, Paris, 1883, p. 2.
16. Bertillon A., Identification anthropométrique..., préc., p. LXVII.

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