Grands Colloques - L'européanisation du droit - 193

NICOLE BELLOUBET

187

de l'UE. Dans son arrêt Bosphorus de 2005, la Cour a posé le principe
d'« une présomption de protection équivalente », ce qui permet d'écarter
la suspicion initiale selon laquelle l'ouverture à un autre ordre juridique
pourrait entraîner un abaissement du niveau de la garantie des droits
fondamentaux ;
- la notion de « marge nationale d'appréciation », utilisée par la CJUE et
la CEDH, souligne la reconnaissance de la diversité des systèmes de
droit en laissant une marge de manœuvre dans l'appréciation de certains
principes. Ainsi, « les circonstances spécifiques qui pourraient justifier
d'avoir recours à la notion d'ordre public peuvent varier d'un pays à
l'autre et d'une époque à l'autre. Il faut donc à cet égard reconnaître
aux autorités nationales compétentes une marge d'appréciation dans les
limites imposées par le traité »23 ;
- l'arrêt Milhau contre France24 témoigne de ces allers-retours incessants
entre les jurisprudences : la Cour note que, depuis la loi du 11 juillet 1975,
le législateur français souhaite privilégier le versement de la prestation
compensatoire sous forme de capital. Elle relève qu'il n'a jamais été
exclu par les lois successives que le débiteur puisse proposer d'autres
biens de son patrimoine d'une valeur égale au montant requis de la
prestation compensatoire. Elle fait valoir, dans cette perspective, qu'en
juillet 201125, le Conseil constitutionnel n'a validé la possibilité d'un
versement par cession forcée de la propriété d'un bien que sous réserve
d'un usage « subsidiaire » d'une telle modalité, c'est-à-dire dans le cas où
le versement d'une somme d'argent n'apparaît pas suffisant pour garantir
le versement de cette prestation. La Cour adosse donc sa motivation sur
une QPC pour juger que l'absence de choix dans les modalités d'exécution de la prestation compensatoire ordonnée par le juge du divorce
emporte violation de l'article 1er du protocole 1 sur la protection de la
propriété.
De manière réciproque, si le Conseil constitutionnel n'effectue pas de
contrôle de conventionalité, de fait, il veille constamment à la cohérence de
sa jurisprudence avec celle de la CEDH. Les normes de référence sont certes
différentes mais les contrôles sont proches. Le Conseil constitutionnel
statue, sans encore accepter de l'écrire, « à la lumière de » la jurisprudence
de la CEDH26. Trois exemples en témoignent :
23. H. Gaudin, « Primauté, la fin d'un mythe. Autour de la jurisprudence de la Cour de
justice », Mélanges en l'honneur de Ph. Manin, Pédone, 2010, p. 652
24. CEDH, 10 juillet 2014, n° 04944/11, Jurisdata n° 2014-015390.
25. Décision n° 2011-151, QPC du 13 juillet 2011, M. Jean-Jacques C. (attribution d'un
bien à titre de prestation compensatoire).
26. Voir en ce sens Olivier Dutheillet de Lamothe, Le contrôle de conventionalité.
Intervention lors de la visite à la Cour constitutionnelle italienne le 9 mai 2008, publiée sur
le site du Conseil constitutionnel.

Grands Colloques - L'européanisation du droit

Table des matières de la publication Grands Colloques - L'européanisation du droit