Grands Colloques - L'européanisation du droit - 195

NICOLE BELLOUBET

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les rapports rédigés par les membres du Conseil : chaque décision est
désormais prise en examinant les jurisprudences européennes.
Les droits et libertés garantis par la Constitution et par la Convention sont
aujourd'hui proches. Les deux textes englobent à peu près les mêmes droits
fondamentaux. Cette proximité a des conséquences : si le Conseil constitutionnel juge une loi conforme à la Constitution, on pourrait imaginer
qu'elle soit remise en cause par les cours suprêmes. Or la décision du CC
ayant été prise en tenant compte de la jurisprudence de la CEDH, cette loi
doit bénéficier d'une présomption de conventionalité. Seuls de très sérieux
motifs peuvent conduire à envisager de renverser cette présomption pour
opposer protection constitutionnelle et conventionnelle. La clarté exigerait
sans doute que ce processus fût explicité dans les décisions du Conseil
constitutionnel !
La cohérence procédurale et jurisprudentielle qui transparaît dans les
décisions, tant des juridictions européennes, que du Conseil constitutionnel
trace les lignes de ce théâtre d'ombres où chaque acteur affirme sa position,
son indépendance, ses finalités tout en s'inscrivant dans la perspective d'une
complémentarité recherchée et voulue entre juges. Les distances maintenues
par les cours nationales entre le droit national et le droit de l'Union sont
en effet assez artificielles puisque l'opposition semble relever moins de la
hiérarchie juridique que de la recherche d'un standard européen de garantie
des droits. Le conflit est toujours possible entre ordre juridique de l'Union
et ordres nationaux mais c'est un conflit assez hypothétique, du moins tant
qu'il se pose en termes de garantie des droits fondamentaux. Il est assez
peu probable que naisse une contradiction entre les niveaux de garantie
des droits tels qu'ils résultent des principes fondamentaux dégagés par la
jurisprudence de la CJUE, de la ConvEDH et de son interprétation et de
la Charte européenne des droits fondamentaux. Le Conseil constitutionnel
avait d'ailleurs observé qu'aucun des droits fondamentaux prévus dans la
Charte européenne n'est en contradiction avec les droits fondamentaux
garantis par la Constitution française33. Malgré la recherche de standards
communs de protection des droits et libertés, les conflits ne sont toutefois
pas inenvisageables, comme en témoigne toute évolution vers une plus
grande convergence.

33. Décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004, Traité établissant une Constitution
pour l'Europe : « 22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que ni par le contenu
de ses articles, ni par ses effets sur les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté
nationale, la Charte n'appelle de révision de la Constitution ».

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