Grands Colloques - L'européanisation du droit - 229

DENYS SIMON

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Certes, la pénétration du droit de l'Union dans les systèmes juridiques
nationaux procède souvent par la substitution de normes communes aux
règles nationales ou encore par une harmonisation exhaustive ne laissant
aucune marge d'autonomie aux législations nationales. C'est ce que
certaines interventions ont qualifié d'« harmonisation maximale ».
Mais on oublie souvent que cette tendance à l'uniformité absolue correspondait à un moment historique dans la construction du marché commun.
Depuis le livre blanc de 1985 sur l'achèvement du marché intérieur, et
même dès l'arrêt Cassis de Dijon, la pratique des institutions a privilégié
la reconnaissance mutuelle par rapport à l'harmonisation exhaustive 6,
le rapprochement partiel par rapport à l'unification, voire l'harmonisation optionnelle et la méthode ouverte de coordination7. De même,
l'uniformité est de plus en plus limitée par le recours à l'exécution décentralisée ou encore par les mécanismes de différenciation ou de coopérations
renforcées.
Ce constat vaut de manière générale, au-delà de l'européanisation
normative. En effet, si l'on s'attache à la jurisprudence de la Cour de justice
de l'Union européenne sur la primauté du droit de l'Union, on s'aperçoit
qu'elle se caractérise en grande partie par la recherche d'un équilibre entre
les exigences inéluctables de la suprématie du droit de l'Union et le renvoi à
l'autonomie institutionnelle et procédurale des États membres. On pourrait
démontrer la portée de cette affirmation en se livrant à une étude systématique, qui n'a évidemment pas sa place dans les présentes conclusions,
des prises de position de la Cour en matière de protection juridictionnelle
effective, de relevé d'office des moyens tirés du droit de l'Union, de la
protection au provisoire des droits issus du droit de l'Union, de la répétition
de l'indu ou encore de la responsabilité des États membres en cas de violation
du droit de l'Union. Plus significative encore est la jurisprudence récente
de la Cour de justice concernant ce qu'on pourrait appeler le « contentieux
de la troisième génération », par exemple en matière d'autorité de chose
jugée des décisions juridictionnelles nationales incompatibles avec le droit
de l'Union8 ou en matière de modulation dans le temps des effets des arrêts
6. V. par ex. sur ce point V. Hatzopoulos, Le principe communautaire d'équivalence et
de reconnaissance mutuelle dans la libre prestation de services, Bruxelles/Athènes, Bruylant/
Sakkoulas, 1999.
7. V. par ex. F. Peraldi Leneuf et S. de la Rosa (dir), L'Union européenne et l'idéal de
la meilleure législation, Cahiers européens n° 5, Pedone, IREDIES, 2013 ; S. de la Rosa,
La méthode ouverte de coordination dans le système juridique communautaire, Bruxelles,
Bruylant, 2007.
8. Pour deux exemples révélateurs, voir CJUE, 10 juillet 2014, Impresa Pizzarotti,
C-213/13, Europe 2014, comm 371, obs. D. Simon et CJUE, gde ch., 6 octobre 2015, Dragoș
Constantin Târșia, C-69/14, Europe 2014, comm. 476, obs. D. Simon.
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