Grands Colloques - L'européanisation du droit - 44

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L'EUROPÉANISATION DU DROIT CIVIL

et de prévisibilité juridique poursuivis par le règlement Successions88 ? À
partir du moment où le choix de la loi applicable est accordé - au profit
de la seule loi nationale dont la vocation à régir la situation est légitime89
- est-il possible de le renier a posteriori via l'exception d'ordre public ?
Ces questions révèlent que la définition de l'exception d'ordre public est
largement conditionnée par la philosophie libérale des instruments qui en
réservent le jeu. L'influence de l'Europe sur l'exception de l'ordre public
ne s'arrête d'ailleurs pas là. Comme la Cour de justice l'avait précisé à
propos de la convention de Bruxelles, « s'il n'appartient pas à la Cour de
définir le contenu de l'ordre public d'un État contractant, il lui incombe
néanmoins de contrôler les limites dans le cadre desquelles le juge d'un État
contractant peut avoir recours à cette notion »90. La Cour de justice pourrait
donc restreindre le droit pour les États membres de brandir l'exception
d'ordre public lorsque son intervention porterait atteinte aux droits fondamentaux des parties énoncés par la Charte des droits fondamentaux de
l'Union européenne91, contredirait les légitimes prévisions des parties ou
restreindrait leur droit de libre circulation.
88. Règlement Successions, cons. 37 : « Afin de permettre aux citoyens de profiter, en
toute sécurité juridique, des avantages offerts par le marché intérieur, le présent règlement
devrait leur permettre de connaître à l'avance la loi applicable à leur succession. Des règles
harmonisées de conflits de lois devraient être introduites pour éviter des résultats contradictoires. La règle principale devrait assurer que la succession est régie par une loi prévisible,
avec laquelle elle présente des liens étroits. Pour des raisons de sécurité juridique et afin
d'éviter le morcellement de la succession, cette loi devrait régir l'ensemble de la succession,
c'est-à-dire l'intégralité du patrimoine composant la succession, quelle que soit la nature
des biens et indépendamment du fait que ceux-ci sont situés dans un autre État membre
ou un État tiers ».
89. V., en ces sens, règlement Successions, cons. 38 : « Le présent règlement devrait
permettre aux citoyens d'organiser à l'avance leur succession en choisissant la loi applicable à leur succession. Ce choix devrait être limité à la loi d'un État dont ils possèdent
la nationalité afin d'assurer qu'il existe un lien entre le défunt et la loi choisie et d'éviter
que le choix d'une loi ne soit effectué avec l'intention de frustrer les attentes légitimes des
héritiers réservataires ».
90. CJCE, 11 mai 2000, Renault, aff. C-38/98, Rev. crit. DIP 2000, p. 497, note
H. Gaudemet-Tallon ; JDI 2000, 696, obs. A. Huet.
91. Ce contrôle de la compatibilité de l'exception d'ordre public avec les droits fondamentaux a également donné lieu à de significatives décisions de la Cour européenne des
droits de l'homme : v. CEDH, 3 mai 2011, Négrépontis-Giannisis c/ Grèce, req. no 56759/08,
Rev. crit. DIP 2011. 817, étude Kinsch ; JDI 2012. 213, obs. Dionisi-Peyrusse ; Dr. fam.
2011, Alerte 48, obs. Bruggeman ; JCP 2011. I. 839, no 7, obs. Gouttenoire - CEDH,
26 juin 2014, n° 65941/11 et n° 65192/11, AJDA 2014. 1763, chron. L. Burgorgue-Larsen ;
D. 2014. 1797, note F. Chénedé ; « Ne punissez pas les enfants des fautes de leurs pères,
commentaire prospectif des arrêts Labassée et Mennesson de la Cour EDH », ibid. 1773,
chron. H. Fulchiron et C. Bidaud-Garon ; ibid. 1787, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ;
ibid. 1806, note L. d'Avout ; ibid. 2015. 702, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 755, obs.
J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; AJ fam. 2014. 499, obs. B. Haftel ; ibid. 396, obs.
A. Dionisi-Peyrusse ; RDSS 2014. 887, note C. Bergoignan Esper ; RTD civ. 2014. 616,
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