Grands Colloques - L'européanisation du droit - 83

JEAN SIRINELLI

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B. Le traitement particulier des sources européennes
dans l'engagement de la responsabilité administrative
Deux cas de figure, qui témoignent de la particularité de l'engagement
de la responsabilité de l'État lorsque sont en cause les sources du droit de
l'Union, peuvent être ici envisagés. D'un côté, et de façon générale, le juge
administratif a dégagé des solutions particulières relatives à l'engagement
de la responsabilité de l'État du fait de la violation du droit de l'Union
européenne (1). D'un autre côté, et de façon plus exceptionnelle, le droit
de l'Union peut expliquer l'absence d'engagement de la responsabilité de
l'État (2).

1. L'engagement original de la responsabilité de l'État
du fait de la méconnaissance du droit européen
Le droit administratif s'est enrichi, sous l'effet du droit de l'Union,
de règles nouvelles d'engagement de la responsabilité publique en cas de
violation des sources européennes. La spécificité de ces règles nouvelles doit
cependant être nuancée. D'un côté, le droit de l'Union a pu inspirer des
solutions originales mais la portée de ces dernières n'a pas été circonscrite à
la seule hypothèse de sa méconnaissance. Le régime juridique, bien qu'original et largement induit par le droit de l'Union, a donc irrigué l'ensemble
du droit administratif pour bénéficier à l'ensemble des sources supranationales. D'un autre côté, le juge administratif a pu consacrer de manière
spécifique et propre aux sources juridiques de l'Union des hypothèses
nouvelles de responsabilité de la puissance publique. Les arrêts Gardedieu35
et Gestas36 illustrent ces deux situations à propos de la responsabilité de
l'État du fait de l'activité législative et juridictionnelle. Tous deux tirent,
à leur niveau, les conséquences de la jurisprudence européenne. Pour la
Cour de justice, l'obligation de réparation des dommages causés par la
violation du droit de l'Union est inhérente au système du traité37 ; elle se
montre donc indifférente à l'origine de cette violation et, plus précisément,
à l'organe de l'État qui s'en est rendu coupable. Cette indifférence a entraîné
une adaptation et un élargissement de la responsabilité de l'État du fait de
la méconnaissance des sources européennes.
Concernant, en premier lieu, l'arrêt Gardedieu, le Conseil d'État a jugé
qu'il incombait à l'État de réparer l'ensemble des préjudices qui résultent
de l'intervention d'une loi adoptée en méconnaissance des engagements
internationaux de la France. Si l'arrêt a été rendu à propos de l'article 6
35. CE, Ass., 8 février 2007, Gardedieu, n° 279522.
36. CE, 18 juin 2008, Gestas, n° 295831.
37. CJCE, 19 novembre 1991, Francovich et Bonifaci, aff. C-6/90 et C-9/90, Rec. p. I-5357.
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