Grands Colloques - L'européanisation du droit - 9

INTRODUCTION

Les chapitres de cet ouvrage étudieront principalement la première
dimension de l'européanisation, du haut vers le bas. Mais les trois dimensions sont en réalité difficiles à dissocier. Le renvoi préjudiciel, par exemple,
est à la fois un mouvement du bas vers le haut (en particulier dans le cas des
juridictions qui posent des questions préjudicielles alors qu'elles ne sont
pas tenues de le faire) et un mouvement du haut vers le bas (parce que le
renvoi est une obligation pour certaines juridictions et qu'il est encadré
par le TFUE et la Cour de justice). La méthode ouverte de coordination,
quant à elle, traduit une relation verticale du haut vers le bas, à travers
les orientations, objectifs, lignes directrices fixés par la Commission et le
Conseil, et du bas vers le haut, dans la mesure où chaque État négocie avec
la Commission les modalités qui lui sont propres. Mais on peut y voir aussi
une relation horizontale, puisque les États identifient les bonnes pratiques
et choisissent volontairement de les reproduire à l'échelle nationale. Les
différentes contributions de cet ouvrage collectif privilégieront la première
dimension de l'européanisation, sans fermer la porte aux analyses intégrant
les deux autres.
Le concept d'européanisation présente un intérêt fort, pour le chercheur,
car il permet de mieux comprendre les rapports entre droit de l'Union et
droit interne d'une part, institutions européennes et institutions nationales d'autre part. Il permet surtout d'orienter les analyses dans plusieurs
directions : les sources ou les facteurs explicatifs de l'européanisation ; ses
formes et ses modalités diverses ; les domaines où le phénomène s'exerce ;
les résultats de l'européanisation, l'impact réel des règles européennes sur
les règles nationales, au-delà des travaux sur la primauté et l'effet direct ou
sur la transposition des directives.
L'usage du concept est fréquent dans un grand nombre de disciplines et
particulièrement en science politique2. Il l'est moins en droit, tant public
que privé, où l'on étudie les rapports entre ordres juridiques3 au moyen
d'autres concepts ou d'autres cadres d'analyse tels que le « droit administratif européen »4 ou le « droit public européen »5. Mais si le mot n'est
pas forcément utilisé ou mis en exergue dans le titre des publications, le
phénomène que constitue l'européanisation est parfois analysé de manière
2. Sabine Saurugger, « Europeanization and Public Policy Transfer », in Theoretical
Approaches to European Integration, Palgrave Mc Millan, 2014, p. 123-144.
3. Baptiste Bonnet, Repenser les rapports entre ordres juridiques, Lextenso éditions, 2013.
4. Jean-Bernard Auby et Jacqueline Dutheil de la Rochère (dir.), Traité de droit administratif européen, Bruylant, 2014.
5. Bernard Stirn, Vers un droit public européen, Montchrestien, 2012 ; Bernard Stirn, Yann
Aguila, Droit public français et européen, Presses Sciences Po/Dalloz, 2014.

Grands Colloques - L'européanisation du droit

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