Grands Colloques - L'avenir du droit des biens - 94

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QUEL AVENIR POUR LES DROITS RÉELS ?

propriétaire du fonds servant, en ce que la Cour de cassation rappelle que la
servitude ne saurait conférer le droit d'empiéter sur la propriété d'autrui10.
S'agissant de l'avenir des servitudes se posent principalement deux
questions.
13. Les objets de servitude : doit-on assouplir la notion de service foncier
pour admettre que des services personnels soient érigés en servitude ? Cela
nous amène à la question controversée de la servitude de non-concurrence11.
Peut-on, grâce à la servitude, conférer un caractère perpétuel à l'obligation
de non-concurrence ?
Des distinctions s'imposent selon qu'un tel service est attaché à la
propriété ou à la personne. Dans ce dernier cas, la qualification de servitude
est exclue. Il ne s'agit que d'une obligation personnelle, soumise comme
telle à la théorie générale des obligations, de sorte qu'elle a vocation tôt
ou tard à disparaître, sauf à être reprise systématiquement dans les ventes
successives. C'est ce qui a été décidé par la Cour de cassation, en présence
d'une interdiction d'affecter un fonds immobilier à un usage déterminé
(activité de boulangerie) qui était stipulée pour la mémoire d'un boulanger12.
Faute d'utilité pour un fonds, l'obligation ne peut revêtir la qualification
de servitude.
14. Mais il faut aller plus loin. Si elle est une relation entre deux propriétés,
la servitude doit-elle nécessairement être un rapport entre deux propriétés
immobilières ? Il ne fait aucun doute que si l'engagement de non-concurrence est envisagé comme un rapport entre deux immeubles, qu'il sert
leur valeur économique ou leur agencement, rien n'interdit la constitution
d'une servitude de non-concurrence. Mais qu'en est-il si l'engagement
de non-concurrence est envisagé comme un rapport entre deux fonds de
commerce, indépendamment de l'immeuble dans lequel ils se trouvent ?
L'hypothèse est fréquente lorsque la propriété de l'immeuble et celle du
fonds sont dissociées, notamment par le truchement d'un bail commercial.
Qu'advient-il lorsque le service n'est pas utile à l'immeuble, mais seulement
au fonds de commerce ou au fonds libéral qui s'y trouve ? Dans cette
hypothèse, il nous semble qu'il ne saurait y avoir de servitude, c'est-àdire d'engagement ayant vocation à la perpétuité. On pourrait certes en
douter, dans la mesure où nous sommes en présence d'un rapport entre deux
propriétés portant sur deux biens incorporels. Cependant, ce qui fonde la
perpétuité de la servitude, ce n'est pas seulement la propriété. C'est aussi et
10. Cass. 3e civ., 27 juin 2001, Bull. civ. III, no 113 ; D. 2001, p. 151, note R. Libchaber ;
JCP 2000, I, 265, no 21, obs. H. Périnet-Marquet.
11. E. Moreau, « La servitude de non-concurrence », D. 1994, p. 331.
12. Cass. 3e civ., 4 juin 2011, Bull. civ. III, no 94 ; D. 2002, p. 433, note R. Libchaber ;
JCP 2002, I, 126, no 17, obs. H. Périnet-Marquet.
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