Grands Colloques - L'université et ses responsabilités - 123

LA DÉONTOLOGIE DES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS

117

compromettre ou paraître compromettre l'exercice indépendant, impartial
et objectif de ses fonctions ».
Les débats se développent dans un cadre de références déontologiques
discutées, dont l'application effective n'est pas vérifiable et, en tout état de
cause, non sanctionnée. Tout le monde s'entend pour admettre qu'il serait
souhaitable que l'on sache d'où celui qui signe un article, dit de doctrine,
parle. Mais tout le monde ne s'entend pas ensuite sur la possibilité ou
l'impossibilité de revendiquer encore un statut doctrinal - avec tout ce que
cela suppose - quand on traite d'un sujet que l'on a abordé de près en tant
que praticien. Au-delà de quelques points de vue campés sur une position
d'incompatibilité ontologique inspirant la déontologie de l'enseignantchercheur, il y a place pour une approche que l'on qualifiera de réaliste. Un
auteur qui affiche clairement d'où il parle et ne masque pas son intérêt dans
le sujet qu'il traite, se place-t-il en conformité avec la déontologie des enseignants-chercheurs ? On peut le penser en considérant que la transparence
fait partie de ce corpus de devoirs professionnels. Mais alors surgit une
autre interrogation bien plus redoutable : perd-il en produisant un travail
dans une telle situation sa qualité de membre de la doctrine ? C'est là une
autre question à laquelle il serait simpliste de donner mécaniquement une
réponse positive. Car s'il en était ainsi, c'est que tout, par ailleurs, serait
très simple. Et notamment que l'absence de lien avec une prestation de
praticien suffirait à assurer une posture doctrinale exempte de tout intérêt.
Bien entendu, le fait qu'un propos universitaire soit en réalité un propos
d'intérêt pose un problème déontologique absolument irréductible. Mais
une analyse doctrinale peut être éclairée par une expérience pratique qui
lui confère une pertinence non négligeable sans être nécessairement prise
au piège du conflit d'intérêts et disqualifiable du point de vue universitaire.
Au-delà de cette question du conflit d'intérêts au sens strict, c'est l'office
de l'universitaire qui se profile en tant que dilemme scientifique majeur.
Le sujet oppose sans fin les tenants d'une science - du droit par exemple
- purgée de tout parti pris prescriptif et ceux qui plaident en faveur de cet
engagement au motif que la démarche descriptive ne l'est jamais purement.
Or, tôt ou tard, de près ou de loin, ce débat-là aussi est une question de
déontologie de l'enseignant-chercheur.
On le voit, les choses sont infiniment compliquées et s'inscrivent dans
une déontologie difficile à saisir dans un dispositif juridique et pourtant
omniprésente dans l'exercice du métier d'enseignant-chercheur.

Grands Colloques - L'université et ses responsabilités

Table des matières de la publication Grands Colloques - L'université et ses responsabilités