Grands Colloques - L'université et ses responsabilités - 176

170

L'UNIVERSITÉ ET SES RESPONSABILITÉS

La question des COMUES, sur ce point, est tout à fait caractéristique.
J'en veux pour preuve les propos du député socialiste Alain Claeys, au
moment des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle. En 2006,
il disait qu'il est impossible d'accroître l'autonomie des universités en
dehors du sein d'une politique nationale. Je rappelais, hier, les propos du
rapport Le Déhaut3, le fait qu'il commence, dès son premier paragraphe, par
parler de renforcement de l'État - ce qui est quand même une manière un
peu bizarre d'aborder la question d'autonomie universitaire - et qu'il parle
du passage d'un modèle d'excellence par la compétition à un modèle de
performance par la coopération. On en revient toujours à la même question
fondamentale, lancinante depuis près de soixante ans : comment concilier la
volonté de construire une politique nationale de l'enseignement supérieur,
exprimée et gérée par le ministère, avec la reconnaissance de l'autonomie
des universités ? Je renvoie simplement à mon intervention d'hier la constatation sur la question de la concurrence4. Alors que la loi Pécresse marquait
une évolution significative par rapport au système gaullo-mitterandien
des lois de 1968 et de 1984, en misant davantage sur l'action de la « main
invisible », assurant la cohérence du jeu des acteurs autonomes installés dans
le paysage, la loi Fioraso revient aux conceptions antérieures et affirme le
retour à l'idée du grand organisateur. Elle se contente d'entériner, au vu des
changements intervenus dans la conception du rôle de l'État, les évolutions
nécessaires dans les modalités d'action et de contrôle de ce dernier.
Je ne reviendrai pas sur l'exposé d'Hélène Pauliat qui a montré à juste
titre combien tout cela s'était exprimé dans des traductions chaotiques et
finalement très compliquées à mettre en œuvre. On a tenté hier de chercher
quelques explications sur cette question. Je crois que les conditions de
déroulement de la discussion parlementaire ont fortement contribué à cette
confusion générale. À partir d'une vision qui était initialement sans doute
cohérente, la ministre, de concessions en concessions, de compromis en
compromis, a fini par diluer tout cela dans la construction finale, ce qui
nous donne donc un paysage universitaire compliqué. Hélène Pauliat soulignait les questions que poserait la non-concordance entre le périmètre des
regroupements universitaires et celui de la construction des collectivités
locales nouvelles, en particulier des régions. Je ne reviens pas là-dessus, sauf
pour dire que j'ai cru, au moment de la discussion de la loi, que la question
des COMUES pouvait être une contribution à un problème majeur pour
3. Refonder l'université, dynamiser la recherche, rapport remis au Premier ministre le
17 janvier 2013, La Documentation française.
4. Et en particulier à la constatation faite par A. Taillefait (« La loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche du 22 juillet 2013 - Une ligne de départ pour la réforme
de l'université française », JCP A, n° 51, déc. 2013, p. 39) que la loi de 2013 n'emploie qu'une
seule fois le mot d'autonomie, alors que ce mot revient en permanence dans celle de 2008.

Grands Colloques - L'université et ses responsabilités

Table des matières de la publication Grands Colloques - L'université et ses responsabilités