Contextes - Le formalisme - 177

REMARQUES HISTORIQUES SUR LE FORMALISME COMPTABLE 167

en place à tous les commerçants. Elle diffère en cela des précédents espagnols qui avaient imposé la tenue d'une comptabilité en partie double27.
Elle n'indique pas même précisément les instruments comptables requis,
ne faisant référence qu'à « un livre » (art. 1er) ou « un livre-journal » (art. 2).
Face à ces lacunes, qui s'expliquent peut-être par la méconnaissance des
ouvrages théoriques de comptabilité, les auteurs ont tenté de préciser aux
commerçants l'étendue de leurs obligations. Les insuffisances de la législation permettent alors aux auteurs français de combler leur retard, en
assurant le développement de la littérature comptable dans le royaume28.
Le maître d'œuvre des ordonnances de codification - et notamment de
celle du commerce -, Colbert lui-même, initie ce mouvement en demandant à Claude Irson (seconde moitié du xviie siècle) de rédiger un traité
exposant les méthodes comptables conformes à la législation en vigueur29.
Le législateur est donc conscient de l'imprécision du texte et de ses conséquences néfastes pour l'effectivité des formalités requises. Cette remarque
vaut d'ailleurs pour l'ensemble de l'ordonnance et elle explique en partie la
27. « En Espagne les Pragmatiques de Cigales (4 décembre 1549) et de Madrid
(11 mars 1552) avaient rendu l'usage de la partie double obligatoire en matière commerciale », Jouanique P., « Un classique de la comptabilité... », op. cit., p. 343.
28. Il y a évidemment d'autres raisons au développement de cette littérature : « Cependant,
durant le dernier tiers du xviie siècle, on observe en France une multiplication des ouvrages
destinés aux marchands et plus particulièrement des traités de tenue des livres. Ce mouvement accompagne les prémices d'une croissance de l'activité commerciale qui fera de ce
pays l'une des toutes premières nations marchandes de l'Europe du xviiie siècle. Il prend
en compte l'existence de besoins spécifiques de formation et témoigne de la constitution
d'un véritable marché spécialisé. En effet, la formation des négociants et de leurs teneurs
de livres ne peut se limiter à la seule transmission orale des savoirs au sein d'un comptoir.
Certaines techniques, dont la comptabilité, nécessitent le recours à d'autres vecteurs. Les
leçons d'un maître spécialisé et l'usage d'un manuel viennent en complément de l'apprentissage », (Lemarchand Y., « Jacques Savary et Mathieu de La Porte : deux classiques du
Grand siècle », in Les grands auteurs en comptabilité, op. cit., p. 22).
29. L'origine de l'ouvrage est affirmée avec force par son titre : Irson C., Méthode pour
bien dresser toutes sortes de comptes à parties doubles, par débit et crédit, et par recette,
dépense et reprise. Establie sur des règles générales et particulières, tirées des loix et ordonnances, de l'autorité des docteurs et de l'usage. Avec la démonstration de chacune de ces trois
manières, et plusieurs questions importantes sur le fait des livres de comptes. Composée de
l'ordre de Monseigneur Colbert, 1678, Paris, Jean Cusson. Ceci est confirmé par l'épître
dédiée au contrôleur général des finances : « Vostre Grandeur a jugé que l'exactitude des
comptes n'estoit pas moins necessaire pour le bien du commerce que pour celuy des finances,
puisque dans l'Edit de reglement du mois de mars 1673 Elle y a fait inserer plusieurs articles,
qui sont autant de loix pour la conduite des negocians et de tous ceux qui ont du manîment ;
outre c'est par la qu'on establit l'opinion de la bonne foy qui est l'ame du commerce. Vostre
Grandeur a bien voulu me charger de dresser cette Nouvelle Methode pour toutes sortes
de comptes, laquelle, par les soins particuliers que j'y ay apportez pour marquer à Vostre
Grandeur le respect que j'ay pour ses ordres et mon zele pour le bien du public, pourra
sans doute servir aux negocians et aux comptables comme d'exemple et de formule pour
l'execution des articles de cet Edit », ibid., s. p.

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