Contextes - Le formalisme - 181

REMARQUES HISTORIQUES SUR LE FORMALISME COMPTABLE 171

de mars 1673 établit bien des règles de négocier dont l'on ne s'était point
encore avisé jusqu'à présent, pour empêcher les désordres qui se commettaient dans le commerce »46. Concernant la comptabilité, l'encadrement
de la pratique commerciale poursuit lui-même trois objectifs principaux :
limiter les fraudes, faciliter les preuves et généraliser l'utilisation des instruments comptables. Ces motifs justifient la mise en place d'un formalisme
pour la tenue des livres et registres des négociants. Les principaux apports
du texte consistent en effet dans les formes que doivent respecter les livres
de compte pour pouvoir produire les effets juridiques que la codification
commerciale leur attache désormais.
Afin d'empêcher que les négociants tiennent une comptabilité frauduleuse, l'article 5 du titre III impose que les livres soient « écrits d'une même
suite, par ordre de date, sans aucun blanc, arrêtés en chaque chapitre et à la
fin, et [que] ne sera rien écrit aux marges ». On devine aisément les raisons
de ces exigences formelles : restreindre les possibilités d'ajouts ultérieurs
et, plus largement, de toute manipulation comptable, en particulier lors
de la survenance d'un litige. La chronologie et l'absence de blanc assurent
que la comptabilité qui figure dans les livres représente effectivement
l'activité commerciale au jour le jour et non une reconstruction a posteriori et potentiellement frauduleuse des affaires47. Commentant cet article,
Toubeau écrit que « les livres des marchands doivent contenir vérité »48. Il
s'inspire ici de la « quatrième règle générale » d'Irson, selon laquelle « les
livres doivent contenir la vérité » et dont découle la « septième et dernière
règle générale [:] Que les affaires doivent estre écrites dans les livres à
mesure qu'elles se font, sans differer des mois ou des années »49. Surtout,
pour lutter contre la fraude, le législateur met en place une formalité bien
46. Savary J., Le Parfait négociant..., op. cit., t. I, p. 240.
47. « Sans aucun blanc.] Afin d'éviter les fraudes que des marchands de mauvaise foi
pourroient pratiquer, en ajoutant après coup sur les blancs laissés à cet effet, des ventes de
marchandises qu'ils n'auroient ni vendues ni livrées, ou des paiements qu'ils n'auroient pas
faits », (Jousse D., Nouveau commentaire..., op. cit., p. 36). Jousse s'inspire ici de Savary :
« Cet article est judicieusement mis dans l'ordonnance, pour empêcher qu'il ne se commette
point d'abus dans les livres. Comme il est arrivé plusieurs fois que des marchands de
mauvaise foi qui avaient vendu de la marchandise, et l'avait écrite sur leur journal, y ayant
laissé du blanc, y avaient écrit d'autres marchandises qu'ils n'avaient point vendues ni
livrées », (Savary J., Le Parfait négociant..., op. cit., t. I, p. 549)
48. Toubeau J., Institutes du droit consulaire..., op. cit., t. II, p. 54.
49. Le détail de cette septième règle est particulièrement évocateur : « Cette règle tire son
origine du bon sens, parce que si les affaires ne sont pas écrites dans le temps qu'elles sont
faites, le comptable a toute la facilité de supprimer les bonnes, d'en supposer de mauvaises,
ou d'altérer les conditions avantageuses de celles qu'il ne sçauroit supprimer. C'est pourquoy comme un comptable doit apporter tous ses soins pour rendre ses livres reguliers et
fidelles, il faut qu'il y écrive sa gestion à mesure qu'il la fait, afin qu'ils soient exempts de
tout soupçon, et que l'on y voye les marques de sa fidelité et de sa bonne foy », (Irson C.,
Méthode..., op. cit., s. p).

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