Contextes - Le formalisme - 183

REMARQUES HISTORIQUES SUR LE FORMALISME COMPTABLE 173

efficace54. Si le législateur s'est employé à garantir la véracité des instruments
comptables, il cherche également à dépasser les réticences des commerçants
à les produire en justice. Le secret des affaires tend en effet à s'opposer à
l'utilisation de ces preuves préconstituées55. Partant, l'édit de 1673 limite
les cas dans lesquels un commerçant se voit contraint de révéler sa comptabilité. L'article 9 n'autorise la « représentation ou communication des
livres-journaux, registre, ou inventaire [que] pour succession, communauté
et partage de société en cas de faillite ». L'article suivant élargit toutefois le
recours contentieux à la preuve comptable :
« Au cas néanmoins qu'un négociant ou un marchand voulût se servir
de ses livres-journaux et registres, ou que la partie offrit d'y ajouter foi, la
représentation pourra en être ordonnée, pour en extraire ce qui concernera
le différend. »

Pour autant, le secret des affaires demeure pour l'essentiel préservé,
puisque la communication se limitera au point en litige sans s'étendre à
l'intégralité de la comptabilité du commerçant56. Jacques-Antoine Sallé
(1712-1778) résume clairement ces dispositions en expliquant qu'en
matière comptable, « le secret [des] affaires et négociations (...) ne peut
être violé que dans trois cas. 1°. Lorsqu'il s'agit de partage de succession,
de communauté ou société (...). 2°. En cas de faillite (...). 3°. Dans le
cas des contestations judiciaires, soit qu'un marchand veuille se servir de
ses registres pour autoriser sa demande »57. L'extrait peut être utilement
complété par un passage de Mathieu de La Porte58 :
« Hors ces cas, un marchand ou négociant n'est point tenu (s'il ne veut)
de représenter ni communiquer ses livres, parce qu'il n'est pas juste qu'il
contente la curiosité de ceux qui, sous quelque prétexte, voudroient découvrir
le secret de ses affaires et l'état de sa fortune : si néanmoins ce négociant a
54. « En effet sans les precautions que [Sa Majesté] prescrit pour empescher la suppression,
la supposition, ou le changement des feüillets, il seroit impossible d'avoir aucune certitude
de la fidelité des livres », (Irson C., Méthode..., op. cit., s. p).
55. Comme le résume clairement Jousse : « Ne pourra être requise ni ordonnée en justice.]
Afin de ne pas révéler le secret de leurs affaires, ni celles d'autrui », (Jousse D., Nouveau
commentaire..., op. cit., p. 39).
56. « 2. La représentation pourra être ordonnée.] Ces termes font voir qu'un marchand
n'est pas tenu de communiquer ses registres, ni de les déposer au greffe pour en prendre
communication ; mais seulement de les représenter, pour en extraire ce qui concerne la chose
contentieuse. 3. Pour en extraire ce qui concerne le différend.] Et non pour en extraire les
autres endroits qui ne regardent point le différend des parties, afin qu'on ne prenne point
connoissance des autres affaires de celui qui représente ainsi ses livres ; ce qui seroit contraire
à l'esprit de l'Ordonnance », ibid., p. 40.
57. Sallé J.-A., L'esprit des ordonnances de Louis XIV..., op. cit., t. II, p. 358.
58. La Porte M. de, La Science des négocians..., op. cit., p. XI-XII.
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