Contextes - Le formalisme - 201

LE FORMALISME EN DROIT DES AFFAIRES

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l'imagination de la pratique, la présentation formelle d'un acte juridique
n'est jamais neutre : d'une part, elle pourra orienter l'interprétation du juge
le cas échéant, d'autre part, elle peut aller jusqu'à modifier la qualification
juridique de l'acte. Quelques exemples permettent d'illustrer ce propos.
Le choix de telle forme plutôt que telle autre n'est pas neutre en ce sens
qu'elle pourra guider l'interprétation du juge en cas de litige. En droit des
affaires, le risque est réel. La convention de portage, fréquente en droit
des sociétés, en fournit un bon exemple. Définie comme l'opération par
laquelle un donneur d'ordre obtient d'un porteur qu'il devienne associé
par acquisition de titres sociaux, à charge pour lui, moyennant rémunération, de transférer ses titres ultérieurement à une tierce personne désignée
et moyennant un prix fixé dès l'origine, cette opération est risquée juridiquement, d'une part, parce qu'elle s'expose à la prohibition des clauses
léonines, d'autre part, parce qu'elle parie, en quelque sorte, sur l'engagement des parties et, enfin, parce qu'elle compte également sur l'efficacité
des promesses de vente, unilatérales ou croisées selon les cas21. La question
a longtemps divisé la Cour de cassation jusqu'à ce que la vision libérale
de la chambre commerciale l'emporte22. La solution dégagée par la Cour
éclaire le raisonnement :
« La cession initiale avait été complétée par des promesses croisées de
rachat et de vente des mêmes actions libellées en des termes identiques au
profit de chacune des parties contractantes, ce dont il résultait que celles-ci
avaient organisé, moyennant un prix librement débattu, la rétrocession des
actions litigieuses sans incidence sur la participation aux bénéfices et la contribution aux pertes dans les rapports sociaux. »

C'est bien parce que les parties ont libellé à l'identique leurs promesses
croisées qu'est neutralisée la règle selon laquelle la promesse synallagmatique de vente vaut vente (C. civ., art. 1589). Dès lors, en vertu de la forme
donnée par les parties à leur accord, ce dernier empêche la réalisation immédiate de la vente et échappe à la prohibition des clauses léonines. C'est
la présentation même de l'accord, sa formulation détaillée qui permet de
sauver l'opération en assurant sa validité. La forme traduit précisément la
volonté des parties, sur laquelle le juge prend appui.
Le choix de telle forme peut également conditionner jusqu'à la qualification d'un acte juridique. Cette assertion est évidente dans le droit des
21. L'inexécution d'une promesse, qui se réglait en dommages et intérêts, posait problème
en termes d'efficacité. L'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du
droit des contrats a modifié la perspective, la rétractation de la promesse unilatérale durant
le temps laissé pour l'option n'empêchant plus la formation du contrat promis.
22. Cass. com., 24 mai 1994, n° 92-14.380, Bull. civ. IV, n° 189 ; Cass. com., 16 nov. 2004,
n° 00-22.713, Bull. civ. IV, n° 197.

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