Contextes - Le formalisme - 29

LA DICTÉE DU TESTAMENT AUTHENTIQUE

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peut, par exemple, préparer un projet dactylographié, même si les volontés
exprimées dans ce projet et reproduites dans l'acte authentique sont celles
du testateur. Le testament que le disposant ne dicte pas au notaire, mais
qu'il approuve tel que le notaire l'a préalablement établi, est frappé de
nullité36. Le rédacteur ne peut pas davantage recopier un projet qui lui aurait
été remis par le testateur. Il ne peut, par ailleurs, ni compléter les volontés
qui lui sont dictées, ni même suggérer des dispositions que le testateur
n'avait pas initialement envisagées. Le notaire se comporte ainsi, selon
l'expression trop célèbre de la cour d'appel de Paris, comme un « secrétaire
intelligent » qui doit transposer fidèlement et dans un style juridique les
dernières volontés qui lui sont dictées par le testateur37.
Un examen de la jurisprudence, fût-il sommaire, révèle une contradiction
édifiante entre, d'un côté, cette rigueur sans concession à l'égard du formalisme du testament notarié et, de l'autre, un laxisme évident en matière de
testament olographe. Loin de désolenniser le testament authentique, la
jurisprudence de la Cour de cassation en a, à l'inverse, considérablement
aggravé le formalisme.
Quand certains soulignent la rigueur d'un formalisme critiquable qui fait
perdre au testament notarié son attractivité38, d'autres saluent à l'inverse
« ce gage de sécurité »39. L'argument tiré de la sécurité juridique attachée
au testament authentique permet en effet de justifier le maintien, sinon
l'aggravation de ce formalisme. Marc Nicod estime ainsi que le formalisme
primitif, rite symbolique doté d'une force magique, aurait cédé la place à
un formalisme moderne dont l'objectif serait d'assurer la protection des
intérêts de fond40. Cet éminent spécialiste fait sienne les thèses de Demogue
et de Gény qui ont tour à tour opéré une distinction téléologique entre
formalisme « archaïque » et formalisme « moderne » ou « contemporain ».
Cette distinction est devenue un topos de la doctrine civiliste, vraisemblablement en raison du prestige attaché à ces auteurs ; elle paraît pourtant
discutable, sinon critiquable. Les auteurs de cette summa divisio n'ont
d'abord donné aucun critère qui permettrait de situer historiquement
36. Cass. 1re civ., 29 juin 2011, n° 10-17168, Bull. civ. 2011, I, n° 139 ; v. ChamoulandTrapiers A., « Le notaire, le testateur et la dictée », 2012/9, Defrénois, p. 462 et s.
37. Paris, 2 mars 1959, D. 1959, p. 306. La Cour de cassation impose en effet que « la
rédaction du testament corresponde exactement à la volonté exprimée par le testateur »
(Cass. 1re civ., 28 juin 1961, Bull. civ. 1961, I, n° 353).
38. Gilles J.-P., « Le notaire et le testament authentique. Libres propos d'un praticien sur
le formalisme testamentaire », Revue Lamy Droit civil, 2013/108, p. 49-54.
39. Grimaldi M., « Vive le formalisme du testament authentique ! », Defrénois, 2013/5,
p. 245.
40. Nicod M., Le formalisme des libéralités, op. cit., p. 13.
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