Contextes - Le formalisme - 39

LA DICTÉE DU TESTAMENT AUTHENTIQUE

milieux urbains. Si le testament nuncupatif oral, dans sa forme primitive,
permettait ainsi à quiconque d'exprimer ses dernières volontés, l'oralité
du testament soulevait cependant un certain nombre de difficultés, au rang
desquelles figuraient notamment la preuve et la publicité de l'acte. Une
enquête était en effet nécessaire afin d'établir après le décès du disposant
le contenu des dispositions dernières : les témoins devaient alors déposer
sous serment devant l'autorité chargée de veiller à l'exécution des volontés
ultimes du défunt. Par ailleurs, par principe dicté en présence des témoins,
le testament nuncupatif ne permettait pas au disposant de conserver ses
dernières volontés dans le plus grand secret. Aux difficultés liées à la preuve
et à la conservation de la volonté du testateur, s'ajoutait alors l'absence de
discrétion qui pouvait rebuter certains testateurs des classes aisées ou des
milieux intellectuels et marchands.
Le développement du notariat public dans la moitié sud du royaume de
France permit de résoudre une telle difficulté, le testateur prenant l'habitude de convier un notaire pour rédiger ses dernières volontés sous sa
dictée70. Les développements de la doctrine portent le témoignage de ce
passage progressif d'un testament nuncupatif oral à un testament nuncupatif écrit. L'auteur de Lo Codi, abrégé du Code de Justinien rédigé en
Provence entre 1155 et 1162, estimait que le testament nuncupatif pouvait
être immédiatement rédigé sur la dictée du testateur et en présence des
témoins71. La mise par écrit du testament nuncupatif, par nature oral, n'en
affectait pas pour autant la validité. Contrairement au testament tripartite
que les juristes médiévaux qualifiaient de testament in scriptis, l'écrit n'était
cependant pas requis ad validitatem, mais utilisé ad probationem. Cette
nouvelle forme, née de l'action conjuguée des praticiens et des docteurs,
présentait l'immense avantage d'assurer la preuve de la volonté du testateur, sans toutefois soumettre ce dernier au formalisme contraignant du
testament tripartite.
À l'aube du xiiie siècle, le testament purement oral n'avait plus la faveur
des glossateurs. Par exemple, Azon ne mentionnait pas même l'existence
du testament réduit à la simple nuncupatio testatoris et ne se préoccupait
pas davantage du rôle des témoins appelés à déposer, avant la publication
70. Chevrier G., « L'évolution de la notion de testament à travers les définitions des
premiers romanistes médiévaux », loc. cit., p. 73 ; Poumarède J., « Le testament en France
dans les pays de droit écrit du Moyen Âge à l'Époque moderne », in Actes à cause de
mort. Europe médiévale et moderne, 1993, Bruxelles, De Boeck Université, coll. Recueils
de la société Jean Bodin pour l'histoire comparative des institutions, t. 60, p. 144-145 et
Descamps O., « Les formes testamentaires de l'époque médiévale jusqu'à la période présente
en France », loc. cit., p. 56-57.
71. Lo Codi, VI, 30, 1-3 : « Ille qui vult facere testamentum sine scriptura debet dicere
voluntatem suam, quomodo ipse vult ordinare res suas, ante VII testimonia legitima et
valebit illud testamentum ita sicuti si fuisset scriptum » (éd. cit., p. 198).

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