Contextes - Le formalisme - 43

LA DICTÉE DU TESTAMENT AUTHENTIQUE

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était en effet susceptible de faciliter les faux et de diminuer les garanties
qu'offraient les formalités exigées par la législation de Justinien84. Une telle
rigueur s'imposait spécialement pour le testament du sourd-muet ou du
moribond, car, comme le relevait Antoine de Butrio († 1408) « l'infirme,
perturbé à l'idée de mourir, dit oui à tout et approuve n'importe quoi »85.
Il semble que l'on puisse recevoir cette rigueur de la doctrine en considération du formalisme de substitution qu'elle rejette sans ambages. Si
l'on part du principe que la formalité de la dictée a pour but de protéger la
volonté du disposant, alors un simple signe de la tête ou des réponses à un
interrogatoire du notaire ne semblent pas pouvoir remplir cette fonction.
Dès lors, il ne paraissait pas envisageable de sauver des actes dans la mesure
où, contrevenant au formalisme du testament, ils en altéraient la finalité86.
En pratique, il semble que l'hypothèse la plus courante fut celle du
testateur répondant par un hochement de tête à l'interrogatoire de celui
qui recueillait ses dernières volontés, notaire ou curé. Dans son célèbre
manuel de procédure, Guillaume Durand se demandait si la réponse du
testateur à cet interrogatoire suffisait à instituer l'héritier dont le nom avait
été suggéré dans la question. Sans jamais trancher, l'évêque de Mende se
contentait de rappeler des arguments contradictoires87. Les dissensions
doctrinales furent en effet très vives : bien qu'une partie des canonistes
rappelât l'incapacité testamentaire des personnes muettes, certains d'entre
84. Johannes Andreae, Addit. ad Specul., IV, iii, § I, V° Quidam (Speculum judicale,
1574, Basilae, réimpr. anast., 1975, Aalen, t. II, p. 379).
85. Antonius de Butrio, Com. ad X, 3, 26, 13, n° 2 : « Sed ipse, scilicet Johannes An[dreae]
tenet contra post Albertum Papiensis assignat causam, quia daretur materia falsum fabricandi. Nam infirmus dicit de omnibus quod sic, turbatus mortis cogitatione et applaudit
omnibus. Et pro certo dicit verum. Item Albertus Papiensis dicit quod iste modus testandi
non est approbatus, nec inventus in jure » (In librum tertium Decretalium commentarii,
1578, Venetiis, réimpr. anast., 1967, Torino, fol. 101A).
86. Parmi les civilistes, il conviendrait d'excepter le juriste orléanais Pierre de Belleperche
(† 1308) et son principal relais en Italie, Cynus de Pistoie, qui estimaient qu'une institution
d'héritier dictée par signes était valable à condition toutefois que le testateur fût sain d'esprit
et qu'il pût s'exprimer clairement (Cynus Pistoriensis, Com. ad C., 6, 23, 29 : « In hac
questione distinguit Pet[rus de Bellapertica], aut testator erat oppressus morte, ita quod
non poterat loqui articulate. Ista casu mortuo similis est, ut dicitur in hac lege et tunc licet
dicat sic : tamen testamentum non valebit (...). Sed erat in bona memoria, tunc bene valebit »
[In Codicem, éd. cit., fol. 370]).
87. Guillelmus Durandi, Specul. jud., IV, iii, § I, n° 9 : « Quid si is, qui facit testamentum,
interrogatur, si velit facere haeredem B. et ipse respondet, sic, nunquid valet ? Dicunt quidam
quod non, nam non valet in alterius voluntatis arbitrium collata, ff., De haeredibus instituendis, lege Illa institutio [D., 28, 5, 32]. Argumentum contra : C., Qui testamentum facere
possunt, Hac consultissima, § At cum humana [C., 6, 22, 8, 1], Extra., De testamentis, Cum
tibi [X, 6, 26, 13], de hoc C., eodem titulo, Jubemus [C., 6, 23, 29] » (Speculum judicale,
1574, Basilae, réimpr. anast., 1975, Aalen, t. II, p. 379).
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