Contextes - Le formalisme - 67

POUR UN FORMALISME RAISONNÉ DES DONATIONS

admettait déjà le fait que certains biens puissent être remis de la main à la
main et à titre gratuit, sans instrumentum autre que cette remise, laquelle
suffisait d'ailleurs à assurer la protection du récipiendaire contre les changements d'avis du donateur. Protection que l'on retrouve aujourd'hui dans
l'article 2276 du Code civil6.
Probablement la volonté de protection s'est-elle déplacée au fil du temps
pour se centrer vers celui qui subit l'appauvrissement : toujours est-il que
s'il s'agit de prémunir le donataire contre un changement d'avis de son bienfaiteur, la simple détention de l'objet mobilier lui assure un titre suffisant
qu'il n'y a pas lieu de renforcer par une solennité particulière. Mais, en tout
état de cause, l'origine du don manuel s'enracine dans l'ancien droit et non
dans une improbable quête d'un formalisme de substitution.
Ainsi s'explique à l'évidence la concurrence redoutable du don manuel
sur l'acte notarié, d'autant qu'à l'époque, le législateur était peu enclin
à établir des règles pour des sujets de faible valeur économique - « Res
mobilis, res vilis ».
Au demeurant, faire endosser au formalisme de substitution un rôle
protecteur du consentement nous plonge, pour notre part, dans un grand
scepticisme. Ainsi, l'amateur de la donation déguisée cherche davantage
des économies fiscales plutôt que de porter atteinte à une réserve déjà bien
mise à mal par l'assurance-vie et la généralisation de la réduction en valeur.
Or, le praticien que je suis n'ignore pas que les décisions impulsées principalement par un calcul fiscal se révèlent à l'usage rarement opportunes.
Toujours est-il que le mouvement de désolennisation des libéralités s'est
irrésistiblement amplifié alors même que les transferts de richesse mobilière
prenaient de l'essor et auraient précisément nécessité de se préoccuper de
la protection du donateur.
Nous en voulons pour preuve les développements jurisprudentiels en
matière de techniques cambiaires : virement d'espèces, et grâce à la dématérialisation, virement de valeurs mobilières sur le compte du donataire ; la
tradition est bien là - elle a simplement évolué pour se plier à ces nouvelles
techniques de transfert de patrimoine - et permet de sauver l'opération,
même s'il faut bien se demander en définitive ce qui reste du formalisme
censé protéger le donateur, l'opération de virement réduisant celui-ci à
son strict minimum7.
Ajoutons à cela pour faire bonne mesure la possibilité de rédiger des
pactes adjoints qui, ad probationem rappelleront le don effectué sans
6. Nicod M., Le formalisme en droit des libéralités, op. cit., n° 365 ; Peterka N., Les dons
manuels, op. cit., nos 9 et 10.
7. En ce sens : Nicod M., Le formalisme en droit des libéralités, op. cit., n° 424.

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