Contextes - Le formalisme - 83

LE FORMALISME EN DROIT PATRIMONIAL DE LA FAMILLE

que mettre fin à ce qui était devenu l'isolement de ce système au sein de sa
famille juridique31, sans aller au-delà dans le sens d'un rapprochement avec
les systèmes de tradition civilistes : les pre- et post-nuptial agreements ne
sont plus considérés en Angleterre et au Pays de Galles comme contraires à
l'ordre public, mais ils ne lient pas pour autant les tribunaux qui conservent
une grande marge d'appréciation sur le point de savoir s'il convient de leur
faire produire effet32.
Mais ces divergences relatives au formalisme, toutes compréhensibles
qu'elles soient, ne sont pas moins porteuses de sérieuses complications pour
les couples internationaux. Du point de vue des juristes de common law,
c'est en particulier le rôle du notaire qui peut être mal compris et, partant,
la propension des systèmes civilistes à se satisfaire de l'intervention d'un
seul professionnel du droit - comment, dans ces conditions, être certain
que les intérêts des deux parties ont bien été sauvegardés ? Et, de fait, la
doctrine comme la pratique d'outre-Manche martèlent que l'exigence que
chaque époux ait bénéficié d'un independent legal advice, ce qui implique
notamment l'intervention de deux professionnels du droit indépendants,
est de toute première importance pour que les tribunaux acceptent de faire
produire effet à la convention matrimoniale33.
Une telle position, il est à peine nécessaire d'y insister, est d'assez
mauvais augure pour l'accueil dans ces pays de nombreux contrats de
mariage soumis à des lois étrangères qui reposent sur des présupposés
31. Le recours à la notion de famille juridique, même s'il peut sembler judicieux ici,
est aujourd'hui contesté, v. Glenn P., « Comparative Legal Families and Comparative
Legal Traditions », in The Oxford Handbook of Comparative Law, Reimann M. et
Zimmermann R. (dir.), 2006, Oxford - New York (NY), OUP, p. 421-440.
32. Sur les arrêts MacLeod v MacLeod [2008] UKPC 64 (post-nuptial agreements) et
Radmacher v Granatino [2010] UKSC 42 (pre-nuptial agreements), dont la portée reste
très discutée, v. not. Miles J., « England and Wales », loc. cit., p. 96-107, qui souligne, ce
qui ne manquera pas de surprendre un lecteur continental, qu'il n'est pas encore établi que
l'admission de la validité de ces conventions implique la possibilité d'intenter une action
contractuelle sur leur fondement (p. 98). Sur les perspectives d'évolution du droit anglais,
v. les deux rapports de la Law Commission anglaise, Marital Property Agreements : (2011)
LCCP n° 198 et Matrimonial Property, Needs and Agreements : (2014) LCCP n° 343. Pour
une critique de la traditionnelle hostilité nord-américaine à l'encontre des conventions
matrimoniales, et une invitation à en améliorer l'efficacité, v. Carter E. R., « Rethinking
Premarital Agreements : A Collaborative Approach », New Mexico Law Review, 2016
(46), p. 354-382.
33. De toute première importance, mais pas absolument décisive, v. justement Radmacher
v Granatino, préc., § 69. Sur cette dimension de l'arrêt, v. Harper M. et Frankle B., « An
English Practitioner's View on Pre-Nuptial, Post-Nuptial and Separation Agreements », in
Marital Agreements and Private Autonomy in Comparative Perspective, op. cit., p. 122-143,
spéc. p. 131-135.

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