Systèmes Perspectives - Achat public et économie des territoires - 1re - 11

Introduction

publics contre l'influence du pouvoir politique, suspect de pousser à la
préférence nationale. Mettre fin aux préférences nationales, et a fortiori
plus locales, en laissant fonctionner librement les « forces du marché », tel
est l'objectif premier du droit communautaire des marchés, même si
d'autres objectifs se sont ajoutés ultérieurement. À terme, la pleine
concurrence sur le marché unique des marchés publics est supposée
apporter un gain considérable que la Commission européenne est même
capable de chiffrer. Mais la communication politique ne peut être porteuse
de ce message. Dans un contexte de difficultés économiques, de chômage,
de délocalisation, etc., le discours sur la primauté de la concurrence perd sa
légitimité, quelle que soit, par ailleurs, l'opinion qu'on puisse avoir sur sa
validité.
La revendication d'un droit à discriminer en faveur des entreprises
nationales ou locales prend de l'ampleur, la légitimité du consensus sur la
transparence dans l'attribution des marchés publics est mise en cause.
Pourtant, les études économiques ont montré depuis déjà un certain
temps que la discrimination peut être contre-productive. Un premier effet
pervers est évident : la discrimination peut faire perdre des parts de
marché aux entreprises nationales par mesure de rétorsion. Mais ce n'est
pas tout. Il a, par exemple, été montré que dans certaines conditions de
marché la préférence donnée aux entreprises nationales a pour effet
d'augmenter les prix offerts par celles-ci et donc de stimuler l'importation
par les acheteurs privés, ce qui aboutit à neutraliser les effets de la
préférence nationale6, ou encore que l'effet d'une préférence de prix
donnée aux entreprises nationales (majoration du prix des concurrents
étrangers) est d'inciter les entreprises étrangères à baisser leurs offres et
de les favoriser dans la concurrence7. Comme c'est souvent le cas, le
discours protectionniste en matière d'achat public comporte des
approximations, voire des contre-vérités.
Qu'en est-il dans la pratique ? Existe-t-il un gouffre entre cette pratique
et le droit ? Les marchés publics sont-ils, dans leur majorité, entachés de
« national bias » ou de « city bias » ? Tel n'est pas le cas tout simplement
parce que dans la majorité des marchés l'occasion ne se présente pas,
faute de candidature d'entreprises étrangères. L'obstacle de la langue, la
conviction vraie ou fausse que les entreprises étrangères ont des chances
réduites peuvent expliquer que leurs candidatures sont plutôt rares en
pratique.
Il en va différemment quand on envisage le niveau infranational. Dès lors
que le marché a une certaine importance, les entreprises nationales qui ne
sont pas implantées localement hésitent moins, même si l'effet de
6. R. BALDWIN et D. RICHARDSON, cités par A. BRETON et P. SALMON, "Are Discriminatory
Procurement Policies Motivated by Protectionism?" (1996), in S. J. EVENETT and B. HOEKMAN,
The WTO and Government Procurement, Elgar, 2006, p. 254.
7. P. TREPTE, Regulating Procurement, Oxford, 2004, p. 237.

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