100 LES JUGES FACE À L'INTÉRÊT À AGIR indirecte ». Elle ne souffle mot de la question de la reconnaissance d'une éventuelle actio popularis à son profit - comme cela existe dans le système interaméricain dûment présenté dans la partie « En fait » de l'arrêt30 - et se place rapidement sur le terrain de la représentation juridique. La « contextualisation » de son argumentation saute aux yeux : elle valorise trois types de données factuelles (considérés in fine comme « exceptionnelles ») pour asséner que « le CRJ doit se voir reconnaître la faculté d'agir » : 1) L'absence de contestation par les autorités internes de l'action du CRJ auprès des autorités médicales et judiciaires ; 2) le manquement de l'État à son obligation de désigner un tuteur légal ou un représentant ; 3) last but not least, le fait que le « principal grief » concerne « les doléances tirées de l'article 2 » (droit à la vie) : M. Câmpeanu étant décédé, il ne pouvait évidemment pas présenter lui-même sa requête. II - LA RESTRICTION DE L'ACCÈS AU PRÉTOIRE EUROPÉEN L'univers des juridictions internationales est un univers à part. Créées par les États dans le cadre du fonctionnement d'une organisation internationale, elles dépendent tout à la fois de leur soutien pour pouvoir fonctionner concrètement et de l'étendue de leur acceptation de la juridiction de la Cour pour poser les bornes de son office. Autant d'éléments qui rejaillissent sur l'intérêt à agir. Si la jurisprudence de la Cour européenne est considérée comme trop activiste - débordant des limites de l'interprétation évolutive et confinant à la révision judiciaire des obligations étatiques - ses créateurs ont des moyens de représailles. Avant l'entrée en vigueur du protocole n° 11, les États pouvaient dénoncer les clauses facultatives des anciens articles 25 et 46 de la Convention et ne pas renouveler leur adhésion à la compétence de la Commission et à la juridiction de la Cour. Aujourd'hui, ils disposent d'autres types de stratégies où Finance et Réforme se conjuguent. En tenant les « cordons de la bourse », les États ont un pouvoir direct sur les modalités de son fonctionnement et peuvent pousser le cynisme jusqu'à empêcher l'augmentation de son budget - les conséquences sur la qualité de la justice rendue n'en sont alors que plus frappantes. Surtout - et cet élément est en prise directe avec le sujet de cette contribution - en tenant les rênes de toute réforme de la Convention, les États peuvent modeler les contours de l'office du juge européen comme ils le désirent, en prenant notamment des décisions draconiennes devant les difficultés rencontrées 30. Art. 44 de la Convention américaine des droits de l'homme.