Grands Colloques - L'accès au juge et l'intérêt à agir - 171

TABLE RoNDE

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Comme le rappelle le rapport Labetoulle5, le juge a reconnu de longue
date6 « que le droit d'ester en justice puisse dégénérer en abus, et que de cet
abus puissent résulter, pour la partie adverse, des conséquences dommageables qu'il incombe alors au requérant de réparer par des indemnités »,
mais pas en excès de pouvoir7, dont relève le droit de l'urbanisme. En cette
matière, le juge administratif pouvait seulement prononcer à l'encontre du
requérant abusif une amende, dont les tribunaux font un usage mesuré et
dont le montant ne peut excéder 3 000 euros. Ce montant peut sembler
bien faible au regard des conséquences dommageables pour le titulaire de
l'autorisation et, comme le rappelle là aussi le rapport Labetoulle, « au-delà
de son cas particulier, pour la production de logements qui est d'intérêt
général et se rattache, pour partie, à un objectif de valeur constitutionnelle »8.
Le nouvel article L. 600-7 du Code de l'urbanisme a pour but de mieux
armer9 le juge administratif10 pour répondre à cette problématique. Toutefois,
à ce jour, aucune condamnation sur cette base n'est intervenue à ma connaissance. Il ne faudrait donc pas, par un excès de prudence, qui s'expliquerait
sans doute par le luxe de précaution qu'a pris le législateur dans la rédaction
de cet article11, que l'épée de Damoclès ne soit plus susceptible de s'abattre
sur le requérant abusif, lequel n'appréhenderait plus cette menace...
agir mais pour autant exercer son droit au recours dans des conditions excédant la défense
de ses intérêts légitimes. Réciproquement, ce n'est pas parce qu'il ne démontre pas son
intérêt à agir que son recours sera nécessairement considéré comme abusif.
5. Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre, Rapport du groupe de
travail, créé par lettre du 11 février 2013 de Madame Cécile Duflot, ministre de l'Égalité
des territoires et du Logement, présidé par le Président Daniel Labetoulle.
6. Tant la jurisprudence administrative (CE Sect., 25 oct. 1946, n° 71985 et 71986,
Sieurs Gronier et Gastu, Rec. p. 247) que la jurisprudence judiciaire (cf. par ex. Cass. com.,
14 mai 1952, Bull. civ. III, n° 190, ou Cass. 2e civ., 5 juin 1962, Bull. civ. II, n° 492 ; pour
une présentation générale, v. L. Cadiet, Répertoire de droit civil, V° Abus de droit, spéc.
n° 119 et s.).
7. CE Sect., 24 nov. 1967, n° 66271, Sieur Noble, Rec. p. 443.
8. Cons. const., 19 janv. 1995, n° 94-359 DC, Loi relative à la diversité de l'habitat ; pour
une réaffirmation récente, v. Cons. const., 30 sept. 2011, n° 2011-169 QPC, Consorts M.
et autres.
9. À condition qu'il soit saisi de conclusions en ce sens.
10. Il faut signaler que le juge judiciaire s'était reconnu compétent en raison de l'espace laissé
vacant par le juge administratif : Cass. 3e civ., 9 mai 2012, n° 11-13597, Mme Soum-Morere
c/Société Cailleau Promotion, Bull. civ. III, n° 71 ; Cass. 3e civ., 5 juin 2012, n° 11-17919,
Société Finareal c/ Société Eiffage Immobilier Azur et société Mandelieu Estérel, inédit.
11. « Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de
construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent
la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif
saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts.
La demande peut être présentée pour la première fois en appel ». Comme l'avait fait la
majorité des tribunaux et cours, le Conseil d'État vient de confirmer que ces dispositions
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