Grands Colloques - L'accès au juge et l'intérêt à agir - 178

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L'ÉVoLUTIoN DE L'INTÉRÊT À AGIR

a ainsi exigé des requérants un « intérêt suffisamment direct (...) compte
tenu des inconvénients et dangers que présente pour eux l'installation en
cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de
la configuration des lieux »44.
on le voit à travers ces quelques exemples, le juge administratif chercher
à réguler l'accès au prétoire. Mais plus encore que cette volonté, il faut voir
dans la maîtrise de l'intérêt à agir par le juge la mise en œuvre de véritables
politiques jurisprudentielles.

B. L'utilisation de l'intérêt à agir par le juge comme marqueur
de politiques jurisprudentielles
L'expression « politiques jurisprudentielles » peut surprendre mais elle
est couramment utilisée, et ce depuis longtemps - encore ce matin par
le professeur Melleray, notamment. Ainsi, dès 1904, Maurice Hauriou
décrivait-il l'action contentieuse du Conseil d'État comme empreinte d'une
politique jurisprudentielle45 et en 1959, Prosper Weil s'interrogeait-il à ce
sujet46. Plusieurs auteurs se sont essayés à définir cette notion, comme le
rappelle Alexandre Ciaudo, parmi lesquels Franck Moderne qui la définit
comme « la part d'initiative que le juge se réserve au-delà des considérations
techniques qui encadrent son intervention »47 ou Guy Canivet et Nicolas
Molfessis, qui la définissent comme « une ligne directrice et donc inspiratrice du juge »48.
Déplacer le curseur de l'intérêt à agir est ainsi un moyen pour le juge,
outre de contrôler l'accès à son prétoire, nous l'avons vu, de marquer sa
raison « des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente
pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 » à savoir, respectivement,
la protection de la ressource en eau et la commodité du voisinage, la santé, la sécurité,
la salubrité publique ou la protection de la nature, de l'environnement ou des paysages,
notamment, ou encore la protection de la nature, de l'environnement et des paysages.
44. CE, 13 juill. 2012, n° 339592 et 340356, Société Moulins Soufflet et Ministre d'État,
ministre de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de la Mer, en charge des
technologies vertes et des négociations sur le climat, Rec. T. p. 868 et 896 ; v. aussi, pour le
cas d'un établissement commercial concurrent : CE, 30 janv. 2013, n° 347347, Société Nord
Broyage, Rec. T. p. 713 et 715.
45. Note sous : CE, 7 août 1903, Chabot, S. 1904, III p. 1.
46. « Le Conseil d'État statuant au contentieux : politique jurisprudentielle ou jurisprudence politique ? », Annales de la Faculté de droit et des sciences économiques d'Aix-enProvence, n° 51, 1959, p. 279-290.
47. « L'intégration du droit administratif par le Conseil constitutionnel », in La légitimité
de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, G. Drago, B. François, N. Molfessis (dir.),
Economica, 1999, p. 85.
48. « La politique jurisprudentielle », Mélanges Jacques Boré, Dalloz, 2007, p. 80.
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