Grands Colloques - L'accès au juge et l'intérêt à agir - 66

LES JUGES FACE À L'INTÉRÊT À AGIR

C. L'ouverture du prétoire en QPC rétroagit
sur le contrôle a priori
Dans le cadre du contrôle a priori, le Conseil est fréquemment destinataire
de mémoires mettant en cause ou soutenant telle ou telle disposition législative d'un texte qui lui a été déféré. Ces mémoires émanent de personnes
autres que celles qui sont constitutionnellement habilitées à le saisir :
organisations professionnelles, syndicales, associations nationales représentant des intérêts collectifs (environnement, santé...). Le doyen Vedel
les a dénommées « portes étroites », là même où le Conseil préfère de façon
moins illustrative mais plus pragmatique, parler d'interventions extérieures.
Ces « portes étroites » ou productions spontanées sont accueillies car elles
éclairent le Conseil et lui permettent d'appréhender plus complètement la
portée de la disposition contestée et les questions de constitutionnalité qui y
sont liées. Elles tentent souvent de convaincre les membres du Conseil qu'il
conviendrait de soulever d'office un moyen portant sur tel ou tel objet du
texte. Elles émanent de différents acteurs économiques, sportifs, culturels...
en fonction de l'objet de la loi, mais bien souvent ce sont des universitaires
ou consultants indépendants, voire brillants (Guy Carcassonne était l'un
d'eux), qui rédigent ces interventions32.
Initialement ces interventions n'avaient et n'ont d'ailleurs toujours
aucun statut procédural. Elles n'ont pas d'existence officielle et le Conseil
peut ou non en tenir compte. Il n'est en aucun cas tenu de se prononcer
sur l'argumentation qui y est développée. Leur acceptation est peu procéduralisée, même si une esquisse de contradictoire tend à les envelopper.
Lors du PLFSS 201333, la disposition contestée des clauses de désignation,
dans le cadre des mutuelles complémentaires, a suscité de très nombreuses
interventions, significatives en nombre et en qualité. Elles ont été diffusées
au Secrétariat général du gouvernement et aux parlementaires saisissants.
Depuis, cette entreprise n'a pas été renouvelée.
Il faut en effet noter qu'une procéduralisation totale des interventions
extérieures ne va pas sans poser de questions annexes. Si les documents
reçus à ce titre sont largement communiqués, les saisissants politiques sont
susceptibles de se plaindre de cette procédure. Ils peuvent considérer à juste
titre que la saisine leur confère une prérogative politique singulière qui est
totalement déconnectée des observations formées par tel ou tel intervenant

32. M. Guillaume, « Guy Carcassonne et le Conseil constitutionnel », in Guy Carcassonne,
Colloque 10 avr. 2014, p. 53.
33. Cons. const., 19 déc. 2013, n° 2013-682 DC, Loi de financement de la sécurité sociale
pour 2014.

http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2013/2013-682-dc/decision-n-2013-682-dc-du-19-decembre-2013.138972.html

Grands Colloques - L'accès au juge et l'intérêt à agir

Table des matières de la publication Grands Colloques - L'accès au juge et l'intérêt à agir