Hors collection - Les 25 ans de la relance de la codification - 53

TABLE RONDE EN HOMMAGE À GUY BRAIBANT

47

En effet, maintenant, grâce à la Commission supérieure de codification, au
président Labetoulle et à d'autres, la codification est plutôt entrée dans les
mœurs ; mais j'ai pour ma part assisté le président Braibant dans son combat
pour une idée nouvelle qui, à l'époque, ne faisait pas du tout l'unanimité.
Il a fallu lever les incertitudes et les contestations, savoir débattre avec
certaines sphères du Parlement réservées, sinon hostiles, pour de bonnes
raisons très intéressantes : le Parlement, encore aujourd'hui, n'aime pas que
l'administration retravaille la loi. Ce ne sont pas des blocages de jalousie,
c'est une vision des rapports entre le Parlement et l'administration qu'il
faut comprendre, sous peine de multiplier les contresens. Dans le rapport
Bignon-Sauvadet de 1995 sur la codification, il était dit - ce sont des parlementaires qui parlaient - « un processus aujourd'hui confronté à plusieurs
difficultés, d'autre part certains parlementaires ont du mal à accepter le
principe d'une codification à droit constant. Ainsi, le Code de la communication a-t-il été retardé par la commission des affaires culturelles, familiales
et sociales parce que certains parlementaires de la majorité refusaient d'y
inclure les dispositions législatives contre lesquelles ils avaient voté lorsqu'ils
étaient dans l'opposition, par exemple présidence unique des deux chaines
publiques, un retard du même type sur le Code de commerce »1.
Face à ce blocage qu'il avait analysé avec beaucoup de subtilité, connaissant les rapports de l'administration et du Parlement, pour expliquer
pourquoi des codes étaient bloqués et que le Parlement n'était pas d'accord, il m'avait quasiment dicté ce paragraphe, qui est un chef d'œuvre
d'understatement à la Braibant : « Le suivi parlementaire n'est pas toujours
assuré avec la vigilance et l'efficacité nécessaire par les ministres qui en
ont la charge ». Mon commentaire est que pour critiquer le Parlement
il commençait par égratigner les ministres, c'est de bonne guerre, car il
faut toujours attaquer par où l'on ne vous attend pas. Et de continuer :
« Enfin, les assemblées ont le souci légitime d'examiner les codes avec soin
et d'apporter leur contribution à l'œuvre de codification. » Traduisez : elles
bloquent de tous les fers et font tout pour les arrêter ; mais je trouvais que
cette formule, « ont le souci légitime d'examiner les codes avec soin » pour
dire une mise à l'écart persistante, était une leçon politique. 20 ans après,
je le lis encore avec satisfaction alors que Parlement et Gouvernement
codifient désormais en bonne intelligence.
Il savait débattre du droit constant, se faire des alliés. Le professeur
Albertini, qui était député de Rouen à l'époque, savait très bien épouser
les critiques du Parlement pour soutenir le président Braibant. Il écrivait
1. Jérôme Bignon, président, et François Sauvadet, rapporteur, L'insoutenable application
de la loi, rapport de la mission d'information commune sur les problèmes généraux posés par
l'application de la loi, Assemblée nationale, Xe législature, document n° 2172, 21 juillet 1995.
Hors collection - Les 25 ans de la relance de la codification

Table des matières de la publication Hors collection - Les 25 ans de la relance de la codification
