Hors collection - L'audition libre : de la pratique à la réforme - 146

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L'AVèNEMENt D'uNE rÉforME StruCturELLE

de contournement de l'audition libre induits par l'imprécision du critère
tenant à l'existence de soupçons.
20. La liberté de refus incertaine de la personne auditionnée. La seule
limite à la mise en route de l'audition libre réside, semble-t-il, dans le refus
opposé par la personne appelée à être entendue sur les faits qui lui sont
reprochés. Il pourra s'agir, suivant les cas, d'un refus exprès ou implicite.
Le refus exprès sera celui exprimé verbalement par l'intéressé ou physiquement, s'il refuse de suivre les enquêteurs jusqu'aux locaux de police ou
de gendarmerie ou qu'il décide de quitter ces locaux sitôt informé de son
audition en qualité de suspect libre. En pareilles hypothèses, les enquêteurs n'auront d'autre choix que de renoncer à auditionner le suspect ou
de le placer en garde en vue à partir du moment où les conditions d'un tel
placement seront réunies53.
Si la liberté de refus de la personne auditionnée paraît totale lorsqu'elle
le manifeste expressément, il semble qu'elle ne soit qu'imparfaitement
prise en compte dans l'hypothèse où un tel refus n'aura été qu'implicitement opposé. L'on songe ici au cas particulier du refus d'une personne
convoquée à cet effet de répondre à la convocation écrite que lui auront
adressée les enquêteurs. De façon tout à fait surprenante, la circulaire du
19 décembre 2014 a élaboré un modèle indicatif de convocation précisant
in fine qu'une telle convocation « présente un caractère obligatoire » et
que, « conformément à l'article 78 du Code de procédure pénale, l'officier
de police judiciaire peut contraindre à comparaître par la force publique,
avec l'autorisation préalable du procureur de la république, les personnes
qui n'ont pas répondu à une convocation à comparaître ou dont on peut
craindre qu'elles ne répondent pas à une telle convocation »54. Les auteurs
prescriptions légales, la Cour de cassation hésite encore à opérer un véritable contrôle de
cette double exigence (v. notamment Crim. 18 nov. 2014, n° 14-81.332 ; Dr. pénal 2015.
Étude 12, note ph. Conte). Dans ces conditions, on ne peut qu'espérer que la Haute juridiction prendra au moins en compte l'existence de soupçons pour sanctionner les retards
ou refus de basculement vers la garde à vue en cas d'usage de la contrainte dans la conduite
d'une audition libre.
53. tel est le sens du dernier alinéa de l'article 61-1 du Code de procédure pénale. à
s'en tenir à la lettre du texte, l'on pourrait penser qu'une interpellation devrait suffire à
exclure le recours à l'audition libre. La Cour de cassation a toutefois admis, de façon plus
nuancée, que si l'intéressé suit « de son plein gré » les enquêteurs et qu'il reconnaît dans un
procès-verbal n'avoir subi aucune contrainte de leur part et avoir été informé de son droit
de quitter les locaux de police ou de gendarmerie à tout moment, il n'y a pas lieu de basculer
sous le régime de la garde à vue, et donc de contester l'application du régime de l'audition
libre (Crim. 15 oct. 2014, n° 13-83.936).
54. Circ., 19 déc. 2014, préc.

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