Hors collection - L'audition libre : de la pratique à la réforme - 164

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L'AVèNEMENt D'uNE rÉforME StruCturELLE

serait hasardeuse, il convient néanmoins de relever l'assimilation, sur cette
question, des suspects gardés à vue et libre dans le rapport établi par la
mission Beaume31.
L'accès au dossier pour le suspect libre : une exigence européenne ? En
premier lieu, aucune exigence d'accès au dossier au profit du suspect libre
ne résulte de la directive B du 22 mai 2012. En effet, rappelons que le § 3 de
son article 7 précise que l'accès « à toutes les preuves matérielles à charge
ou à décharge des suspects », prévu au § 2, « doit être accordé en temps utile
[...] et au plus tard, lorsqu'une juridiction est appelée à se prononcer sur le
bien-fondé de l'accusation ». Dès lors, aucune communication au cours de
l'audition du suspect libre n'est requise par le texte32.
S'agissant, en second lieu, du droit européen des droits de l'homme,
l'analyse est plus délicate. D'un côté, il est indéniable que l'arrêt Dayanan c/
Turquie, faisant de « la recherche des preuves favorables à l'accusé » un « des
éléments fondamentaux de la défense que l'avocat doit librement exercer »,
ne concerne que l'accusé « privé de sa liberté » 33. Dès lors, à supposer que
la Cour exige implicitement, dans cet arrêt, un accès au dossier dès la phase
d'enquête34, il faut néanmoins reconnaître que cela ne concerne pas la
personne libre.
Cela étant précisé, on ne peut affirmer que la Cour européenne ne
condamnera jamais l'État français pour le défaut d'accès aux pièces essentielles à la défense lors d'une audition libre. Sans doute la Cour, comme à
son habitude, appréciera-t-elle concrètement si les circonstances de l'affaire
portée devant elle n'impliquaient pas un accès aux pièces essentielles du
dossier dès le début de l'audition. Dans cette optique, jugerait-elle alors
conforme à l'article 6 § 3 de la Convention le défaut d'accès, pour l'avocat du
suspect libre, aux procès-verbaux d'audition d'une victime ou d'un témoin
formant sinon le seul, du moins, l'essentiel élément de suspicion ? rien n'est
moins certain, ce qui a sans doute pesé dans la proposition de la mission
Beaume de doter le suspect libre d'un droit d'accès au dossier équivalent à
celui du gardé à vue.
31. Rapport sur la procédure pénale, mission présidée par M. le procureur général Beaume,
juillet 2014.
32. S'agissant du gardé à vue, la discussion est plus ouverte, le § 1 de l'article 7 prévoyant
un accès immédiat, sans exception, aux documents « essentiels pour contester de manière
effective conformément au droit national la légalité de l'arrestation ou de la détention ».
V. sur ce point, A. Botton, « L'accès au dossier dans l'enquête policière », préc.
33. CEDH, 13 octobre 2009, Dayanan c/Turquie, requête n° 7377/03, § 32.
34. Ce qui est loin d'être sûr.
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