Hors collection - L'audition libre : de la pratique à la réforme - 175

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témoignages, d'éventuelles empreintes ou de saisies, qui devaient être corroborés par les aveux du suspect. Désormais s'y ajoutent souvent les écoutes
réalisées, les images issues de la vidéo-protection, les empreintes génétiques,
les données issues des mesures de géolocalisation, la saisie des courriels,
etc. Les infractions sont numériquement constatées, parfois enregistrées
et pourtant l'audition vise toujours à rechercher l'aveu du suspect27, pour
corroborer ces différents éléments qui laissent peu de place au doute. quel
est l'intérêt, dans de telles hypothèses, des déclarations du suspect, recherchées au prix d'un renoncement aux droits fondamentaux, dès lors que le
dossier suffit à établir la matérialité des faits ?
L'audition, qu'elle soit libre ou contrainte28, ne devrait plus être vue
comme un moyen d'obtenir des preuves, en dissimulant au suspect les
éléments, souvent nombreux, dont les enquêteurs disposent déjà. Certes, il
existe des hypothèses où les éléments font défaut, où les preuves manquent,
mais faut-il alors nécessairement les chercher auprès du suspect ? La
réponse est bien sûr très difficile, puisque l'on ne peut ignorer que l'urgence
conduit parfois à imposer cette recherche auprès des suspects, afin d'éviter
l'infraction ou son renouvellement29. Mais dans la plupart des cas, l'urgence
ne justifie pas cette recherche de telle sorte que la preuve pourrait être
rapportée par un autre moyen.
par ailleurs, il ne faut pas ignorer que la difficulté à laquelle se heurtent
désormais les enquêteurs est celle du silence et de l'avocat, dont la présence
a pu sembler si problématique, mais qui ne saurait être contestée puisqu'il
s'agit des droits les plus essentiels du suspect. face à cette difficulté, pour
l'anticiper et éviter d'envisager systématiquement l'audition comme un
moyen de preuve, il conviendrait de redonner son sens à l'enquête, en
laissant les enquêteurs utiliser l'ensemble des outils qui sont mis à leur
disposition et surtout en leur laissant le temps de le faire, ce qui pose ici la
question des effectifs et des moyens.
L'enquête ainsi recentrée sur les investigations délaisserait l'auditionpreuve toutes les fois où celle-ci n'est pas nécessaire. L'audition
interviendrait alors plus tard, lorsque les éléments recueillis permettent
27. Sur ce constat, sur cette quête de l'aveu, v. également cet ouvrage, A. Murbach-Vibert
et Delpeut, « La naissance de l'audition libre », spéc. n° 7.
28. La question se pose bien sûr pour une garde à vue justifiée par la nécessité d'auditionner l'intéressé ; il en va différemment lorsque la garde à vue est justifiée par la nécessité de
garder l'intéressé à la disposition de la justice ou d'éviter les concertations ou pressions.
29. tel est le cas notamment pour les infractions les plus graves, en particulier en matière
de terrorisme ; v. en ce sens, cet ouvrage, E. Dupic, « Le développement de l'audition libre
- L'audition sans contrainte ou la définition d'un statut juridique du suspect », p. 39 et s.

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