Hors collection - L'audition libre : de la pratique à la réforme - 36

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ENJEu D'uNE prAtIquE profESSIoNNELLE

qui n'était pas le cas en l'espèce. L'importance de la question posée et le
souci d'encadrer encore la phase policière conduisirent cependant le Conseil
constitutionnel à répondre, non à éluder.
Exposant le contenu des deux alinéas de l'article 62 du Code de procédure
pénale, il conclut « qu'il résulte nécessairement de ces dispositions qu'une
personne à l'encontre de laquelle il apparaît qu'il existe des raisons plausibles
de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction peut
être entendue par les enquêteurs en dehors du régime de la garde à vue dès
lors qu'elle n'est pas maintenue à leur disposition sous la contrainte et qu'elle
consent à être librement entendue »5. Le Conseil s'est donc livré à une interprétation a contrario selon laquelle l'audition libre « résulte nécessairement »
de l'article 62 Cpp ; il fera de même à propos de l'article 78 Cpp6 relatif à
l'enquête préliminaire dans sa décision du 18 juin 2012 dont la rédaction,
sur la réserve d'interprétation, est identique.
Aussi critiquables soient-elles, ces décisions n'ont rien d'étonnant. La
possibilité d'une audition libre est implicitement mais nécessairement
déduite de l'inexistence d'une obligation de placer en garde à vue, que
ce soit dans les textes, ou en jurisprudence, la chambre criminelle ayant
toujours considéré qu'un tel placement doit être abandonné à l'appréciation
de l'officier de police judiciaire7. La solution s'inscrit du reste dans le sillage
de la loi du 14 avril 2011 ayant fait de la garde à vue une mesure de dernier
recours, ou pour reprendre le législateur, l'unique moyen de parvenir à l'un
des objectifs listés à l'article 62-2 du Cpp. Aussi, le Conseil constitutionnel
ne fait que prolonger l'idée de subsidiarité de la garde vue, expliquant dans
l'une et l'autre des décisions que toute rigueur non nécessaire doit être évitée
en procédure pénale8.
Certes, ce faisant, l'audition libre a accédé à la vie juridique, alors qu'on
la considérait plutôt avec défiance. on y avait même renoncé à plusieurs
occasions. on se souviendra notamment que l'avant-projet de réforme du
Code de procédure pénale soumis à concertation s'était montré favorable à
pareille audition, du moins lorsque les conditions de la garde à vue n'étaient
pas réunies9. Identiquement, le législateur avait-il envisagé de réglementer
5. Cons. constit. 18 novembre 2011, n° 2011-191/194/195/196/197, cons n° 18.
6. Cet article était soumis à l'examen du Conseil dans sa rédaction issue de la loi du
9 mars 2004. Il déterminait les conditions d'audition d'un témoin ou d'un suspect.
7. Cass. Crim. 2 sept. 2004, n° 03-86721 ; Cass. Crim.3 juin 2008, n° 08-81932.
8. Cons. constit. 18 novembre 2011, cons. n° 13 ; Cons. constit. 18 juin 2012, n° 2012257 qpC, cons. n° 4.
9. Art. 327-6 de l'avant-projet, préc.
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