Hors collection - L'audition libre : de la pratique à la réforme - 70

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ENJEu D'uNE prAtIquE profESSIoNNELLE

est très fréquent, voire habituel, que l'officier de police judiciaire en charge
du dossier, dont le devoir est de rendre compte régulièrement au procureur
de la république des principaux actes accomplis, prenne les devants en
l'avisant de ses intentions. Dans l'échange qui s'instaure nécessairement,
l'opportunité d'une garde à vue ou d'une simple audition libre est systématiquement évoquée en fonction de la nature des faits, de la complexité de
l'enquête, des contraintes pesant sur les enquêteurs ou de la personnalité
du mis en cause. In fine, si le magistrat du parquet a toujours le loisir de
préconiser une option plutôt qu'une autre, il est relativement rare que
cette décision s'impose contre la volonté de l'enquêteur. En revanche, en
présence d'un flagrant délit, l'urgence de la situation commande à l'officier
de police judiciaire de décider seul, au regard des impératifs de l'enquête et
de la nécessité de ne pas retarder le déclenchement des droits de la défense.
S'il faut se garder de toute appréciation définitive et par trop générale, qui
ne rendrait pas compte complètement de la réalité, l'objectivité commande
de reconnaître que la garde à vue est désormais utilisée à bien meilleur
escient que par le passé. à bien des égards, par touches successives, la loi a
imposé un changement culturel et les réticences des débuts ont cédé le pas
à la compréhension des policiers et gendarmes.
14. Un objectif paradoxalement trop bien intégré par les enquêteurs ?
Si les magistrats du parquet, premiers garants des libertés individuelles au
stade de l'enquête pénale, ont vu d'un bon œil le recours plus parcimonieux
à la garde à vue, certaines pratiques des enquêteurs montrent pourtant des
phénomènes d'autocensure, qui conduisent à utiliser l'audition libre dans
des hypothèses où une garde à vue aurait été parfaitement justifiée et même
nécessaire afin de permettre d'assurer un niveau de réponse pénale suffisamment rapide et efficace. S'il apparaît par exemple parfaitement conforme
à l'esprit de la loi de ne pas placer de manière systématique en garde à
vue le conducteur automobile éméché, si ce dernier n'est pas connu des
services, se soumet sans difficulté au contrôle dont il fait l'objet, se trouve
régulièrement domicilié et peut être raccompagné sans encombre à son
domicile par un tiers ou le service interpellateur. En revanche, tel n'est plus
le cas lorsque l'intéressé n'a aucune garantie de représentation, présente
un risque sérieux de récidive au regard de ses antécédents judiciaires et
relève nécessairement d'une présentation au parquet et de modes rapides
de poursuites. Si le phénomène d'autocensure est flagrant dans le domaine
pourtant si sensible de la lutte contre la violence routière, il n'épargne pas
d'autres champs de la délinquance, comme les infractions à la législation
sur les stupéfiants ou les armes et mêmes certaines violences graves. Ainsi,
il est de moins en moins rare que les magistrats du parquet soient amenés
à demander à l'officier de police judiciaire un placement en garde à vue,
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