Hors collection - L'audition libre : de la pratique à la réforme - 72

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ENJEu D'uNE prAtIquE profESSIoNNELLE

que le gardé à vue. or certaines formes de privation de liberté, comme
la procédure de vérification d'identité, qui peut aller jusqu'à 4 heures et
8 heures à Mayotte, sont accompagnées de droits très limités et n'autorisent
pas encore le bénéfice des conseils ou de l'assistance d'un avocat. En outre,
le nouveau régime de l'audition libre du suspect est désormais accompagné
de véritables droits subjectifs, en l'absence de l'exercice de toute contrainte.
17. L'existence d'une accusation en matière pénale : vers un principe
directeur commun en Europe. Historiquement, les rédacteurs de la
Convention européenne des droits de l'homme avaient voulu distinguer
« le droit à la liberté et la sûreté » visé à l'article 5 applicable notamment
aux gardés à vue duquel découlaient certains droits13 et « le droit au procès
équitable » visé à l'article 6 applicable à la phase juridictionnelle pour
toute personne faisant l'objet d'une accusation en matière pénale14. La
Cour européenne des droits de l'homme a cependant jugé qu'il n'y avait
pas étanchéité parfaite15 et que l'article 6 pouvait « jouer un rôle avant la
saisine du juge du fond, si et dans la mesure où son inobservation initiale
risquait de compromettre gravement le caractère équitable du procès ». Bien
évidemment cela ne signifie pas que tous les droits de l'article 6 ont vocation
à s'appliquer aux personnes visées à l'article 5, puisque par nature certains
concernent spécifiquement la phase juridictionnelle, tandis que d'autres
sont reconnus à la personne arrêtée. Ainsi en a-t-il été au fil des décisions
pour le droit à la présomption d'innocence, le droit à un interprète, le droit
au silence et de manière plus emblématique le droit à l'assistance d'un
avocat au cours de la garde à vue. Ce phénomène de glissement a été en
outre accentué par l'interprétation large par la jurisprudence de la CEDH
de la notion d'accusation en matière pénale. Ainsi le gardé à vue et même
le suspect entendu librement ne sont-ils pas déjà à ce stade l'objet d'une
accusation en matière pénale ? or, la loi du 14 avril 2011 a laissé en suspens
la question des modalités de l'audition hors garde à vue. Aucune disposition
du Code de procédure pénale ne définissait le déroulement d'une telle
audition si ce n'est en creux, à travers celles relatives à la garde à vue. or,
comme le rappelait le sénateur Jean-pierre Michel rapporteur du projet de
loi portant transposition de la directive B, près de 780 000 auditions libres

13. Ainsi en est-il du droit d'être protégé contre les arrestations illégales, d'être informé
des raisons de son arrestation, d'être aussitôt traduit devant un juge ou magistrat habilité
à exercer des fonctions judiciaires.
14. on relève notamment le droit d'être jugé par un tribunal impartial selon une procédure
équitable et publique, le droit à la présomption d'innocence, le droit à l'assistance d'un
avocat, le droit d'être jugé dans un délai raisonnable et d'avoir accès aux pièces du dossier.
15. CEDH, 24 novembre 1993, Imbriosca c/ Suisse, req. n° 13972/88.
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