Hors collection - L'audition libre : de la pratique à la réforme - 82

ENJEu D'uNE prAtIquE profESSIoNNELLE

y a apporté une réponse précise dans sa décision du 8 juin 201227, en considérant que la protection constitutionnelle de la liberté individuelle par
l'autorité judiciaire exigeait que la durée de la rétention en chambre de
sûreté s'impute sur celle de la garde à vue, lorsque cette dernière en est
la suite immédiate. Il s'en déduit que si la procédure administrative de
rétention pour ivresse publique et manifeste n'a pas à être entièrement
versée dans la procédure judiciaire,28 il apparaît en pratique indispensable
que les pièces justifiant du début et de la fin de la mesure y figurent afin
de permettre au juge judiciaire de s'assurer que la durée légale de garde à
vue n'a pas été dépassée. En revanche, le Conseil considère implicitement
que l'imputation ne doit plus avoir lieu dans l'hypothèse où une personne
en état d'ivresse, auteur d'une autre infraction punie d'emprisonnement,
est placée en dégrisement jusqu'à ce qu'elle ait recouvré la raison, puis
convoquée29 quelques jours plus tard pour être entendue sur cette infraction
dans le cadre d'une garde à vue.

2. La présence de l'avocat : une réforme formelle
28. La perte de contrôle sur le temps de l'enquête. La loi n'a pas prévu
de délai de carence pour l'avocat comme en matière de garde à vue, ce qui
autorise dès lors le policier ou le gendarme à commencer son audition sans
attendre son arrivée. Cette disposition, incontestablement emprunte de
réalisme, laisse encore à l'enquêteur la maîtrise de son emploi du temps et
de l'organisation de son enquête. En théorie, l'audition peut donc démarrer
immédiatement même en l'absence d'avocat, ce qui est logique puisque le
mis en cause peut non seulement conserver le silence, mais aussi quitter
les locaux à tout moment. à cet égard, il a été nécessaire de s'assurer que
les enquêteurs ne soient pas tentés de céder à la tentation d'attendre coûte
que coûte l'avocat, même si en pratique le dernier mot reviendra toujours
au mis en cause s'il refuse de parler hors sa présence.
La crainte essentielle exprimée par les enquêteurs n'est pas tant liée
à la présence de l'avocat elle-même pendant l'audition, dont bien des
policiers et gendarmes s'accordent en privé à dire qu'elle peut apporter

27. Cons. Constit. 8 juin 2012, n° 2012-253 qpC ; V° également, S. Detraz,
« Constitutionnalité de la mesure et du régime du placement en cellule de dégrisement »,
Gaz. Pal. 4-5 juillet 2012, n° 186-187, p. 11-14.
28. Des requêtes en nullité continuent néanmoins en vain à être régulièrement déposées
de ce chef devant les juridictions correctionnelles.
29. L'art. L3341-2 du Code de la santé publique l'autorise expressément.

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