Hors collection - L'audition libre : de la pratique à la réforme - 99

L'ApprÉCIAtIoN DE L'AuDItIoN LIBrE

De manière étonnante, le critère de la contrainte réapparaît alors pour
les personnes non soupçonnées. L'article 62 du Code de procédure pénale45
modifié prévoit ainsi que les personnes non suspectées soient entendues
« sans faire l'objet d'une mesure de contrainte ». Néanmoins, elles pourront
« si les nécessités de l'enquête le justifient [...] être retenues sous contrainte
le temps strictement nécessaire à leur audition, sans que cette durée puisse
excéder quatre heures », et cette audition se déroulera sans notification de
droits ou assistance d'un avocat.
La dissociation entre la contrainte et les droits de la défense est donc
consommée. L'audition du témoin ne pourrait-elle pas faire l'objet d'un
détournement pour faire sortir l'avocat des locaux de police ou de gendarmerie, et cela, à travers l'utilisation dévoyée de la notion de « nécessités de
l'enquête » dont l'appréciation − dans un premier temps − est laissée aux
policiers et aux gendarmes.
à cet égard, il serait utile de s'interroger sur le point afin de savoir
si l'octroi des droits de la défense ne devrait pas reposer sur un critère
alternatif, le soupçon ou la contrainte, ce qui permettrait aux témoins
auditionnés par les services de police ou de gendarmerie, sous la contrainte,
de bénéficier de l'assistance opportune de l'avocat lorsqu'ils en font la
demande, ou à tout le moins de se voir notifier cette possibilité.
Cette nouvelle conception serait conforme aux exigences européennes
mais surtout simplifierait la procédure pénale.
En toute état de cause, la difficile distinction entre le statut de témoin et
celui de « personne soupçonnée » va dans le sens de la création d'un nouveau
critère relatif à l'octroi de droits de la personne auditionnée dans les services
de police et de gendarmerie. La possibilité de décider s'il existe ou non
des raisons plausibles de soupçonner revient, en effet, à l'officier de police
judiciaire46. En outre, il n'existe pas dans la phase d'enquête de parallé45. « Les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner
qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction sont entendues par les enquêteurs
sans faire l'objet d'une mesure de contrainte.
Toutefois, si les nécessités de l'enquête le justifient, ces personnes peuvent être retenues
sous contrainte le temps strictement nécessaire à leur audition, sans que cette durée puisse
excéder quatre heures ».
46. Cass. Crim., 8 janvier 2013, n° 12-81.126 ; 27 février 2013, n° 12-82.016, cité par
r. Mésa, « Le renforcement relatif des droits procéduraux du suspect pendant la phase
d'enquête », Gaz. Pal., 20 sept. 2014, n° 263, p. 17.

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