Manuel - Droits constitutionnels français et allemand - 1er - 315

Justice constitutionnelle

570. En France, après la fin de la Seconde Guerre mondiale et la chute
du régime de Vichy, la mise en place d'une cour constitutionnelle dotée
de compétences étendues échoua à nouveau, d'abord essentiellement à
cause des partis de gauche, qui voyaient dans cette création une limitation inadmissible de la souveraineté populaire20. La Constitution de la
e
IV République ne prévoyait dès lors qu'un « Comité constitutionnel », qui
pouvait en principe évaluer si un projet de loi nécessitait une révision
préalable de la Constitution, même si les droits fondamentaux n'étaient
pas pris en compte comme critère de constitutionnalité21. De plus, il
s'agissait d'une procédure très lourde et avant tout politique22, raison
pour laquelle le Comité constitutionnel ne fut saisi qu'une seule fois au
cours des douze années d'existence de la IVe République23.

Sous-section 2
Conseil constitutionnel et Cour
constitutionnelle fédérale
§1. Le choix commun d'un contrôle concentré
571. En adoptant la Loi fondamentale et la Constitution de la Ve République, les deux États ont choisi un modèle de juridiction constitutionnelle autonome, dans lequel le contrôle des lois est réservé aux seuls
juges constitutionnels. C'est pourquoi on parle de système de contrôle
« concentré » des normes, par opposition au contrôle diffus des normes,
exercé comme aux États-Unis par tout tribunal de droit commun24. Tous
les Länder allemands disposent désormais25 aussi - en vertu de leur qualité d'États membres d'un État fédéral - de leur propre cour
constitutionnelle26, ce qui les distingue des collectivités territoriales

20. St. BAUER, Verfassungsgerichtlicher Grundrechtsschutz in Frankreich, 1998, p. 43.
21. Art. 93 al. 3 CF 1946 : « Si la loi est jugée conforme aux dispositions des titres Ier à X de la présente Constitution, elle est promulguée dans le délai prévu à l'article 36 (...). »
22. Les députés de l'Assemblée nationale détenaient, avec sept des treize sièges, la majorité absolue au
sein de ce comité du reste exclusivement composé d'hommes politiques, si bien qu'il ne s'agissait en fait
pas d'un contrôle exercé par un comité externe, mais d'un examen interne, sur ce point v. :
E.-W. BÖCKENFÖRDE, « Verfassungsgerichtsbarkeit », in du même, Staat, Nation, Europa, 1999, p. 157 et s.,
en part. p. 161.
23. Sur tous ces points : St. BAUER, op. cit., p. 44 et s.
24. V. M. CAPPELLETTI, Th. RITTERSPACH, « Die gerichtliche Kontrolle der Verfassungsmäßigkeit der Gesetze in
rechtsvergleichender Betrachtung », JöR, nº 20, 1971, p. 65 et s., en part. p. 81 et s. V. aussi O. PFERSMANN,
« Concrete review as Indirect Constitutional Complaint in French Constitutional Law », EUConst, nº 6,
2010, p. 223 et s. en part. p. 228 et s.
25. Le Schleswig-Holstein est le dernier État fédéré à s'être doté de sa propre cour constitutionnelle
en 2008 ; jusqu'à cette date, c'est la Cour de Karlsruhe qui assumait ses fonctions.
26. Nous ne pouvons donner ici plus de détails sur les juridictions constitutionnelles des Länder allemands ; pour plus de précisions (uniquement sur les cours constitutionnelles des anciens Länder de
l'Ouest toutefois) : Chr. PESTALOZZA, Verfassungsprozessrecht, 3e éd., 1991, p. 372 et s.

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