L'individualisation de la réparation du préjudice corporel 2. Le préjudice esthétique Le préjudice esthétique est le poste de préjudice qui se donne pour tâche de circonscrire ou mesurer dans le dommage les atteintes et altérations qui sont spécifiquement relatives à la perception que l'on a de la victime. Pour bien en comprendre le sens et la finalité, il serait intéressant de rechercher la spécificité de ce préjudice en déclinant les différents aspects qu'il contient. La distinction du corps tel que perçu par la médecine et du corps vécu par la victime permet de comprendre que la lésion médicalement constatée n'est qu'une partie du préjudice et ne s'y confond pas. Le monde d'aujourd'hui accordant une place centrale à l'apparence et au corps, le préjudice esthétique ne doit pas être tenu pour un poste de préjudice secondaire. Il génère un véritable préjudice social qui atteint gravement la capacité sociale des individus. Tout d'abord et de manière tout à fait préliminaire, il faut rappeler que le terme esthétique a été forgé au XVIIIe siècle par le philosophe allemand Baumgarten26, à partir du terme grec aistheticos dérivé de aisthanesthai qui veut dire « sentir ». Le terme aisthèsis était employé par les Grecs dans le sens de la sensation conçue comme perception et procès de connaissance. L'esthétique déterminera le champ de l'art comme son terrain d'étude privilégié dans la mesure où l'art crée des artefacts à la fois désintéressés et aspirant à la beauté. La discipline s'autonomisera de plus en plus, s'attachant à 26. BAUMGARTEN A. G., Aesthetica, 2 vol., Frankfurt a/M. 1750-1758. 271