Les Grands Concours - L'épreuve de droit public à l'ENA et l'INET - 2e - 110

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L'ÉPREUVE DE DROIT PUBLIC À L'ENA ET L'INET

La seconde inflexion prétorienne révèle, elle aussi, la volonté du juge de tempérer une autre
implication abrupte de l'excès de pouvoir. En principe, on le sait, si le recours est fondé, le juge
prononce l'annulation de l'acte attaqué, qui est dès lors réputé n'être jamais intervenu. Or,
notamment lorsque l'acte litigieux est de nature réglementaire, de telles annulations peuvent
avoir des conséquences énormes, soit qu'elles fragilisent l'ordonnancement juridique en privant,
par ricochet, de nombreuses décisions individuelles de fondement, soit qu'elles déstabilisent une
politique publique. Pour éviter que le rétablissement de la légalité se fasse au prix de telles « catastrophes en chaîne » 16, le Conseil d'État a, récemment, reconnu au juge la possibilité de moduler les
effets des annulations qu'il prononce. Par sa décision Association AC ! et autres 17, l'Assemblée du
contentieux a admis qu'il puisse être dérogé, à titre exceptionnel, à la rétroactivité de l'annulation
lorsque ses conséquences pour les intérêts publics ou privés en présence seraient trop déstabilisantes. En l'espèce, elle s'est ainsi bornée à annuler, pour l'avenir, certaines dispositions d'arrêtés
ministériels relatifs à l'assurance chômage. Dans ce cas, respecter la rétroactivité de l'annulation
aurait autrement conduit à de profonds dysfonctionnements dans le régime de l'assurance chômage. De façon plus discrète, on trouvait trace de cette logique dans une décision plus ancienne,
Titran 18, par laquelle le Conseil d'État avait, dans les motifs de sa décision, imposé au garde des
sceaux, dont il annulait le refus d'abroger un traitement de données illégal, de tirer, dans un délai
de deux mois, toutes les conséquences de cette annulation, soit en mettant fin au traitement litigieux, soit en en régularisant le fondement réglementaire. Dans ce précédent, le juge avait ainsi
voulu ménager au garde des sceaux une solution alternative, en lui évitant d'avoir à supprimer un
fichier qui, pour illégal qu'il fût, n'en était pas moins utile au service public de la justice.
Au croisement de cette audace prétorienne et du levier que constitue l'injonction, on pourra
aussi mentionner la décision Caisse d'assurance-accidents agricole du Bas-Rhin 19 par laquelle
le juge s'est arrogé, d'une part, un pouvoir de réformation interprétative (en corrigeant une
coquille qui s'était glissée dans un texte à l'occasion d'une codification), d'autre part un pouvoir
d'injonction pour imposer à l'administration de prendre les mesures de publicité permettant de
rendre le texte, ainsi rectifié, opposable.
B. La plasticité du plein contentieux vient également estomper la distinction
entre les deux voies de recours
1. La plasticité de l'office du juge de plein contentieux est venue renforcer
l'impression d'un brouillage de la frontière entre les deux types de recours

L'idée d'une frontière claire et nette entre REP et RPC repose sur une analyse hâtive qui limite
l'excès de pouvoir à l'alternative annulation/rejet et qui ne voit du plein contentieux que le plein
contentieux « ordinaire » (René Chapus). Les caractéristiques du recours de pleine juridiction
« subjectif », qui établissent un office du juge radicalement différent de celui de l'excès de pouvoir (le juge, qui est avant tout saisi d'une situation litigieuse et non d'un acte, peut réformer
16.
p. 628.
17.
18.
19.

Renaud Denoix de Saint Marc, Il est difficile de demander aux juges d'augmenter encore leur productivité, AJDA 2005,
CE Ass. 11 mai 2004, Association AC ! et autres.
CE 27 juill. 2001, Titran.
CE 25 mars 2002, Caisse d'assurance-accidents agricole du Bas-Rhin.

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