Précis Domat - Droit constitutionnel et institutions politiques - 32e - 272

DROIT CONSTITUTIONNEL ET INSTITUTIONS POLITIQUES
rectangle a été préférée à celle d'un hémicycle, car parfaitement accordée à l'intimité du tête-à-tête
entre la majorité et l'opposition. La vétusté des bâtiments pourrait entraîner, à terme, un déménagement à moins d'engager des travaux pharaoniques. Au surplus, à l'heure où la menace terroriste
frappait Londres en juillet 2005, divers incidents ont attesté en 2004 du caractère désuet des règles
de sécurité de Westminster. Il est vrai qu'elles ont été fixées principalement au XVIe siècle.
Cependant la Grande-Bretagne cultive l'innovation. Notre révolution est calme, mais c'est
une révolution. Les années Blair (1997-2007) se sont concrétisées par la dévolution asymétrique
(où on est passé progressivement et dissemblablement d'une décentralisation maximale à une
quasi-fédéralisation) en faveur de l'Écosse et du pays de Galles, marquée par le rétablissement
de leur parlement respectif et la mise en place d'un gouvernement autonome dirigé par un First
Minister3 en 1999 ; l'abolition de la pairie héréditaire à la Chambre des Lords en 1999 et la
création de la Cour suprême en 2005.
On retiendra aussi l'incorporation de la Convention européenne des droits de l'homme, en
1998, par le Human Rights Act (HRA) qui renforce la protection des droits fondamentaux de la
personne4. Si les lois ne peuvent être invalidées, au nom du dogme de la souveraineté parlementaire (infra), les juges supérieurs, dont la Cour suprême (voir nº 514), doivent statuer à la lueur de
la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, interpréter la législation dans le
sens le plus favorable aux droits déterminés par le HRA et ont, in fine, le droit d'accompagner
leurs décisions d'une déclaration d'incompatibilité au HRA. Le Gouvernement est alors invité à
proposer au Parlement les modifications législatives nécessaires. Ainsi, dans le prolongement de
la condamnation de la Grande-Bretagne par la Cour européenne des droits de l'homme (C.E.D.
H., 11 juillet 2002, Goodwin c/ R-U.), la loi sur les droits matrimoniaux de 1973, méconnaissant
les droits des transsexuels, a-t-elle été déclarée incompatible par les Law Lords (10 avril 2003,
Bellinger v. Bellinger). Au final, une nouvelle législation (Gender recogniction Act de 2004) a

■ 3. Le Royaume-Uni rassemble trois nations : l'Angleterre, l'Écosse et le Pays de Galles, en dehors du

cas particulier de l'Irlande du Nord (l'Ulster). L'Écosse, dès 1998, a reçu une compétence législative dans
certains domaines. Après l'obtention de la majorité absolue au Parlement écossais du Scottish national
party, Londres avait accepté qu'un référendum sur l'indépendance soit organisé en septembre 2014. L'indépendance a été rejetée (55 % pour le non - J. LERUEZ, Le référendum du 18 septembre 2014 en Écosse :
l'échec d'un long processus, Pouvoirs, nº 152, 2015, p. 147). Une extension des compétences (principalement fiscales - le Devo max) de l'Écosse, promise lors de la campagne référendaire, a été ensuite effectuée
(Scotland act de 2016). Le SNP souhaitait miser sur la dynamique des législatives de 2015 pour forcer
Londres à accepter le principe d'un nouveau référendum. Les mauvais scores obtenus aux législatives de
2017 viennent de doucher leurs espoirs. qui ne disposent désormais plus qu'un seul siège en Écosse. Le
Pays de Galles a dû se contenter, jusqu'en 2006, de l'exercice du pouvoir réglementaire. Suite au référendum de 2011, ses compétences législatives ont été substantiellement étendues. Quant à l'Irlande du Nord,
elle dispose d'institutions autonomes depuis mai 2007. Symbolisant la fin d'une guerre de religions anachronique, le gouvernement a vocation à associer nationalistes et unionistes. Faute d'accord depuis janvier
2017, la situation reste bloquée et l'administration directe par Londres est envisageable. Par ailleurs, la
dévolution - régie par la Convention Sewel (au terme de laquelle le Parlement britannique s'engage à ne
pas légiférer sur des matières dévolues sans le consentement du parlement écossais et, depuis le Wales act
de 2017, gallois) − entraîne un morcellement juridique. À titre d'exemple, la loi relative au mariage pour
tous, votée en 2013, par le Parlement britannique est seulement applicable en Angleterre et au Pays de
Galles. L'Écosse s'est dotée de sa propre législation en 2014. En revanche, rien n'est actuellement prévu
pour l'Irlande du Nord. Au surplus, la mise en œuvre du Brexit, indépendamment de la question d'un
éventuel rétablissement des frontières entre les deux Irlandes, sera de nature à susciter d'importantes tensions avec l'Écosse faroucheusement pro-européenne. B. CRAWFORD, Ten years of devolution, Parliamentary Affairs, 2010, p. 89 ; C. DAVISON, La dévolution au Pays de Galles : état des lieux et perspectives, R.D.
P. 2005, p. 733 ; M. EUDES, La question nord-irlandaise et la souveraineté du Royaume-Uni, R.D.P. 2006,
p. 951 ; F. ROUX, La dévolution en Grande-Bretagne. Contribution à la réflexion sur l'autonomie
institutionnelle, 2009.
4. J. BEATSON, Le Royaume-Uni et la nouvelle Déclaration des droits, R.F.D.C. 2001, p. 687 ;
J.-F. FLAUSS, Human Rights Act 1998 : kaléidoscope, idem, p. 695 ; A. DUFFY, La protection des droits et
libertés au Royaume-Uni, L.G.D.J., 2007.

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