Précis Domat - Droit de l'exécution - 3e - 190

DROIT DE L'EXÉCUTION

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Réalisation effective des droits. - La dimension technocratique de la transcription des jugements relatifs à l'état des personnes ne doit pas faire perdre de vue les
enjeux souvent essentiels pour les personnes qui y sont confrontées30. Pour ceux
qui n'en ont pas, ou qui n'ont pas les bons, les papiers ne sont pas de la paperasse31.
La mention sur les registres de l'état civil des jugements relatifs à la nationalité,
prévue par les articles 28 et 28-1 du Code civil, permet ainsi de jouir, de manière
effective, des droits attachés à la nationalité, d'obtenir une carte d'identité, d'entreprendre des démarches pour s'inscrire sur les listes électorales, etc.
On rappellera aussi ici le combat judiciaire mené par les transsexuels jusque
devant la Cour européenne des droits de l'homme pour obtenir la modification à
l'état civil de la mention du sexe, alors que la Cour de cassation, après avoir admis
le changement de prénom justifié par le syndrome transsexuel, refusait encore la
modification de la mention relative au sexe. Le revirement de jurisprudence date
d'un arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation du 11 décembre 199232.
On conclura en remarquant que si la transcription sur les registres de l'état civil
est essentielle à la réalisation effective des droits de chacun, elle peut l'être également pour la société. On en prendra pour preuve la question si agitée de la transcription des actes de naissance des enfants issus d'une gestation pour autrui délocalisée. Par trois arrêts du 6 avril 2011, la Cour de cassation avait décidé :
« Est justifié le refus de transcription d'un acte de naissance établi en exécution d'une décision étrangère, fondé sur la contrariété à l'ordre public international français de cette décision,
lorsque celle-ci comporte des dispositions qui heurtent des principes essentiels du droit français ;
qu'en l'état du droit positif, il est contraire au principe de l'indisponibilité de l'état des personnes,
principe essentiel du droit français, de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation pour le compte d'autrui, qui, fût-elle licite à l'étranger, est nulle d'une
nullité d'ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du Code civil »33.

Mais à la suite de la condamnation de la France par la Cour européenne des
droits de l'homme34, elle a, en assemblée plénière, changé de position, considérant
qu'une convention de gestation pour autrui ne fait pas en soi obstacle à la transcription d'un acte de naissance dès lors que celui-ci « n'était ni irrégulier ni falsifié et
que les faits qui y étaient déclarés correspondaient à la réalité »35.

■ 30. Fût-ce à titre posthume : « Les parlements jansénistes avaient parfois décidé que leurs arrêts, tran-

scrits de force sur les registres paroissiaux, tiendraient lieu des sacrements qu'avaient refusés des curés trop
romains » (J. CARBONNIER, Droit civil. Les obligations, 22e éd., 2000, nº 377).
31. V. F. GRANET-LAMBRECHTS, « Les "sans-papiers" : entre droit et non-droit », Mélanges Goubeaux,
Dalloz-LGDJ, 2009, p. 195.
32. Cass. ass. plén., 11 déc. 1992, nº 91-11900, RTD civ. 1993, p. 97, obs. HAUSER.
33. Cass. 1re civ., 6 avr. 2011, 2 arrêts, nº 09-66486, 09-17130 et 10-19053, réf. cit. in B. ANCEL,
« L'épreuve de vérité. Propos de surface sur la transcription des actes de naissance des enfants issus
d'une gestation pour autrui délocalisée », Mélanges Courbe, Dalloz, 2012, p. 1. Adde, F. MONÉGER et
G. PLUYETTE, « Exequatur et principes essentiels du droit français », Mélanges Courbe, Dalloz, 2012,
p. 447. Solution réaffirmée ensuite : Cass. 1re civ., 13 sept. 2013, nº 12-18315 et nº 12-30138, D. 2013,
p. 2377, avis PETIT, note FABRE-MAGNAN ; Cass. 1re civ., 19 mars 2014, nº 13-50005, D. 2014, p. 901, avis
JEAN, note FULCHIRON et BIDAUD-GARON.
34. CEDH, 26 juin 2014, nº 65941/11, Labassée, et nº 65192/11, Mennesson, D. 2015, p. 708, obs.
GRANET-LAMBRECHT, et réf. cit.
35. Cass. ass. plén., 3 juill. 2015, deux arrêts, nº 15-50002 et nº 14-21323, avis SOULARD, concl. MARIN,
D. 2016, p. 857, obs. GRANET-LAMBRECHT, et réf. cit. ; Cass. ass. plén., 5 oct. 2018, nº 12-30138.

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