Précis Domat - Droit de l'exécution - 3e - 412

DROIT DE L'EXÉCUTION

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Les gens mariés sous un régime séparatiste peuvent parfaitement avoir un
compte joint. Or, selon l'article 1538, alinéa 1er du Code civil, « un époux peut
prouver par tous les moyens qu'il a la propriété exclusive d'un bien ». Ainsi, si
l'époux non débiteur parvient à prouver que le compte était alimenté uniquement
avec des fonds qui étaient propres, il pourra obtenir la mainlevée de la saisie pratiquée par le créancier personnel de son conjoint. Peu importe que l'époux débiteur
se servait du compte. En payant, il payait avec des deniers de son conjoint. Mais
qu'il fut autorisé à en disposer ne signifie pas qu'il lui appartenait au sens du droit
des saisies. Pour le créancier, cette voie d'exécution sur le compte se transforme
alors en impasse27.
Mais si le compte était alimenté par les deux époux, ou simplement si l'origine
des fonds ne peut être établie avec certitude, alors selon l'article 1538, alinéa 3 « les
biens sur lesquels aucun des époux ne peut justifier d'une propriété exclusive sont
réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié ». Dans ce cas, puisqu'il
s'agit d'un bien indivis, la règle de l'article 815-17 s'applique : les opérations de
saisie sont suspendues au partage. Puisqu'il s'agit d'argent, le partage est simple
à opérer : concrètement, « les effets de la saisie d'un compte joint par le créancier
d'un des époux séparés de biens doivent être limités à la moitié indivise des
valeurs déposées à ce compte, faute de preuve qu'elles fussent la propriété de
l'époux débiteur »28. Autrement dit, l'autre époux pourra demander et obtenir la
mainlevée de la saisie à concurrence de la moitié du solde créditeur. On voit ici
l'importance des règles des régimes matrimoniaux pour le créancier qui croyait
avoir saisi une certaine somme et qui se retrouve finalement avec la moitié29.
L'idéal pour lui serait de parvenir à prouver que les sommes portées au compte
l'avaient été par son propre débiteur, mais on voit mal comment il pourrait administrer cette preuve.
2.

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Saisie du compte joint d'époux séparés de biens

Saisie du compte joint d'époux communs en biens

L'analyse de la saisie du compte d'un débiteur marié sous le régime de la communauté conduit à distinguer selon la nature de la dette du débiteur au regard des
règles des régimes matrimoniaux.

■ 27. Sauf s'il s'agit du recouvrement d'une dette ménagère au sens de l'article 220 du Code civil
(v. infra, nº 742).
■ 28. Cass. 2 civ., 10 juill. 1996, nº 94-16837, JCP 1997, I, 4008, nº 19, obs. S ; RTD civ. 1996,
.
p. 990, obs. P
■ 29. D'où la cassation des décisions des juges du fond qui, au sujet de la saisie des comptes joints,
e

TORCK

ERROT

confondent régime séparatiste et régime légal. V. Cass. 1re civ., 20 mai 2009, nº 08-12922, RTD civ. 2009,
p. 578, obs. crit. PERROT, arrêt qui affirme par ailleurs de manière très contestable que « lorsque le créancier
d'un époux marié sous le régime de la séparation des biens fait pratiquer une saisie sur un compte ouvert au
nom des deux époux, il lui appartient d'identifier les fonds personnels de l'époux débiteur ». Prise à la
lettre, la formule prive de fait toute chance de succès de la saisie d'un compte joint car le créancier n'a
pas les moyens d'administrer cette preuve, à moins qu'il ne s'en remette à son débiteur (v. S. LALANDE
CHAMPETIER DE RIBES, « Le sort des saisies pratiquées sur les comptes joints des époux », AJ Famille 2011,
p. 408).

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