Précis Domat - Droit international et européen des sociétés - 5e - 122

DROIT INTERNATIONAL ET EUROPÉEN DES SOCIÉTÉS

une action en responsabilité contre un dirigeant de la société Africair services, sur
le fondement l'article 1380 du Code sénégalais des obligations civiles et
commerciales énonçant la responsabilité des dirigeants envers les tiers en raison
des « fautes commises dans leurs fonctions » par les dirigeants des sociétés ayant
leur siège au Sénégal. Affirmant l'identité des termes de cet article et de
l'article 244 de la loi française du 24 juillet 1966, la cour d'appel de Paris déboute
la société en précisant que l'action en responsabilité ne peut être engagée que
« dans le seul cas prévu par l'article 244 » où il existe une faute détachable des
fonctions selon l'interprétation de ce texte retenue par la jurisprudence française.
Ayant formé un pourvoi, la société Africatours invoquait dans un moyen la violation de l'article 1134 du Code civil en raison de la dénaturation du contenu clair
et précis de la loi étrangère ainsi que la violation de l'article 455 du Code de procédure civile pour défaut de réponse à ses conclusions qui indiquaient que la lettre
et la portée de l'article 1380 du Code sénégalais des obligations se différenciaient
de celles de l'article 244 de la loi de 1966. Sous le visa de l'article 3 du Code civil,
la première chambre civile casse l'arrêt de la cour d'appel de Paris au motif qu'en
interprétant la loi sénégalaise selon l'interprétation donnée à la loi française en droit
interne, elle avait dénaturé cette loi étrangère, non identique à la loi française, en
méconnaissant son sens littéral et « sans faire état d'aucune autre source de droit
positif sénégalais » autorisant une telle interprétation. Il n'en demeure pas moins
que la Cour de cassation admet que la loi sénégalaise, était bien compétente à
titre de lex societatis. Cette règle est opportune54 car la lex societatis comporte
l'avantage de la prévisibilité sur la lex loci delicti, règle habituelle en matière de
responsabilité délictuelle, en raison de la difficulté à déterminer le lieu de réalisation du dommage au sens de l'article 4 du règlement Rome II, nº 864/2007 du
11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles55.
2.

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Rapports des dirigeants avec les associés
et avec la société

La lex societatis a une vocation naturelle à gouverner les rapports qui sont internes à la société. Ainsi, la cour d'appel de Paris56 dans un arrêt antérieur à la loi du
24 juillet 1966 a annulé par application de la loi française en matière de société
anonyme un cautionnement fourni par une société ayant son siège en France pour
garantir la dette de l'un de ses administrateurs, réformant ainsi la décision de la
juridiction de première instance qui, pour valider le cautionnement, avait considéré
qu'il était soumis à la loi marocaine, en tant que loi du lieu de conclusion de l'acte.
Dans cette logique, en cas de convention conclue entre une société de droit français
et l'un de ses dirigeants, les dispositions de l'article L. 225-38 du Code de commerce sur les conventions réglementées s'appliquent d'évidence.

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54. Cf. M. MENJUCQ, « La responsabilité ratione loci des administrateurs dans les sociétés internationales », RTDF, no spéc. nov. 2013, p. 143 et s.
55. Sur la vocation de la lex loci delicti à régir les actions engagées par les tiers, voir M. AUDIT,
S. BOLLÉE et P. CALLÉE, op. cit., no 68.
56. CA, Paris, 26 mars 1966, Soc. Aiment Sain, Rev. crit. DIP 1968, p. 56, note Y. LOUSSOUARN, JDI
1966, p. 841, note B. GOLDMAN.

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