LES RÈGLES EUROPÉENNES DE COMPÉTENCE JURIDICTIONNELLE A. CRITÈRES DE COMPÉTENCE 635 Dualité de critères. Admettant le principe de l'ouverture de procédures concurrentes, le règlement no 1346/2000 établit deux chefs de compétence juridictionnelle permettant aux tribunaux d'ouvrir une procédure principale de portée universelle et une ou plusieurs procédures secondaires de caractère territorial. L'article L. 690-1 du Code de commerce qui chapeaute l'ensemble des chapitres du titre IX traduit cette dualité en prévoyant que le tribunal saisi d'une demande d'ouverture peut ouvrir, selon les cas, une procédure principale ou une procédure territoriale ou secondaire. 636 Critère du centre des intérêts principaux du débiteur. L'article 3 du règlement no 1346/2000 prévoit la compétence pour ouvrir la procédure principale des juridictions de l'État où se situe le centre des intérêts principaux du débiteur, souvent appelé dans la pratique « COMI » en référence à l'abréviation de la terminologie anglaise de « center of main interests ». L'article 3 présume que les sociétés et les autres personnes morales ont le centre de leurs intérêts principaux au lieu de leur siège statutaire. La présomption simple communautaire en faveur du siège statutaire peut être cependant renversée par la preuve d'une localisation en un autre endroit du centre des intérêts principaux défini par le considérant 13 du règlement no 1346/2000 comme « le lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est donc vérifiable par les tiers ». 637 Juridiction française compétente pour ouvrir une procédure principale. En droit français, la loi Macron no 2015-990 du 6 août 2015 a institué l'article L. 721-8 du Code de commerce dont le 2º attribue compétence au tribunal de commerce spécialisé5 où est situé le centre des intérêts principaux du débiteur pour statuer sur l'ouverture d'une procédure principale. Une précision superfétatoire, source d'incertitude, a été cependant apportée par l'ordonnance nº 12152017 du 2 novembre 2017. La nouvelle rédaction du 2º de l'article L. 721-8 prévoit effectivement que les tribunaux de commerce spécialisés connaissent des procédures principales « ouvertes à l'égard d'un débiteur qui possède un établissement sur le territoire d'un autre État membre ». Cet ajout rédactionnel relatif à la possession d'un établissement jette un doute. Faut-il l'interpréter a contrario comme impliquant que les tribunaux de commerce spécialisés ne sont pas compétents si le débiteur ne possède pas d'établissement mais seulement des actifs sur le territoire d'un autre État membre ? Il semblerait qu'une réponse positive puisse être apportée, la compétence revenant alors dans ce cas au tribunal de commerce de droit commun dans le ressort duquel se situe le centre des intérêts du débiteur. Une telle distinction n'est guère opportune6 dans la mesure où au moment de la saisine du tribunal aux fins d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité principale, les implantations ■ 5. La liste des tribunaux de commerce spécialisés a été fixée par le décret n 2016-217 du 26 févr. 2016. ■ 6. Sauf à considérer que les auteurs de l'ordonnance ont voulu distinguer entre l'hypothèse où il peut o exister un cas d'évitement d'ouverture d'une procédure secondaire dans un autre État membre envisagé par les nouveaux articles L. 691-2 et L. 691-3 du Code de commerce et l'hypothèse où un tel cas ne saurait exister en l'absence d'établissement sur le territoire d'un autre État membre. Troisième partie : La défaillance économique internationale des sociétés 569